Il n'a rien d'extraordinaire. De style Louis XVI, il date du XXe siècle. Mais c'est le fauteuil du président de la République, celui de son bureau du 1er étage de l'Elysée, et il vient de réintégrer la rue du Faubourg Saint-Honoré.
Depuis fin août, il était en réfection dans les ateliers du Mobilier national, construits en 1937 sur les anciens jardins de la manufacture des Gobelins, dans le XIIIe arrondissement de Paris.
La semaine de Noël, ce fauteuil corbeille en hêtre a regagné le bureau présidentiel après quatre mois de travaux de restauration d'ébénisterie, une révision du cannage qui par endroit était troué, et la confection d'un nouveau coussin, plus épais, plus confortable que l'ancien totalement élimé.
Pas de fioritures, de sculptures ou d'ajouts de bronze, ni même de rembourrage sur les accoudoirs, ce fauteuil de bureau est très simple.
Portant le numéro "GME 14264", mi-décembre, il trônait, seul, sur une immense table d'un des ateliers du 1, rue Berbier-du-Mets, attendant que son coussin - un coussin de mousse "mémoire de forme" recouvert de cuir marron fauve - soit achevé.
Son histoire n'est pas exaltante. Le mobilier national n'a que peu d'information sur sa vie passée, car il ne s'agit pas d'un meuble de valeur, ni de valeur patrimoniale ou historique.
Il vient du ministère des Affaires étrangères. Avant de rejoindre l'Elysée en 2007, durant la mandature de Nicolas Sarkozy, il était déposé au domaine de Marly-Le-Roi. L'histoire dit qu'il était utilisé dans les sommets internationaux. Rien à voir donc avec les trésors du Mobilier national, témoins d'épisodes glorieux de l'Histoire de France, comme la tente de Napoléon qui accompagnait l'Empereur lors de ses campagnes de guerre, ou tragiques comme le bureau sur lequel agonisa Robespierre avant son exécution.
- La fin de l'anonymat -
Désormais, quoi qu'il lui arrive, il est sorti de l'anonymat pour avoir accueilli le séant d'au moins deux présidents de la République.
Ce siège convient "typiquement à un bureau XVIIIe", explique Jehanne Lazaj, conservatrice du patrimoine au Mobilier national et inspectrice des collections de l'Elysée qui comptent 6.000 objets.
De fait, il accompagne le magnifique bureau XVIIIe, estampillé Charles Cressent, qui est celui du chef de l'Etat depuis 1956. C'est assis à ce bureau que François Hollande présentera pour la 3e fois ses voeux aux Français pour la nouvelle année.
Choisi par le général de Gaulle, le bureau Cressent appartenait au ministère de la Marine. Un temps, François Mitterrand l'avait remplacé par une création de Pierre Paulin fabriquée par l'Atelier de recherche et de création (ARC) du Mobilier national, qui a fêté cette année, ses 50 ans.
Le Mobilier national est l'héritier du garde meuble de la Couronne, créé en 1663 par Louis XIV et Colbert, puis du mobilier impérial (1804-1870). Il conserve, répare et entretient quelque 200.000 objets mobiliers et textiles dont environ 80.000 ayant une valeur patrimoniale.
Il pourvoit à l'ameublement de l'Elysée, de Matignon, des ministères, des résidences présidentielles, des grandes institutions de la République (Conseil d?État, Conseil constitutionnel), de quelques ambassades à l'étranger mais également de musées et de châteaux.
"On ne meuble que les pièces d'apparat, les bureaux des ministres, des directeurs et des chefs de cabinet", explique Jehanne Lazaj. Parfois, certains appartements de fonction ont les attentions du Mobilier pour des éléments de confort.
Tous les 5 ans, le Mobilier national procède à un inventaire de ses biens, au cours d'une opération appelée "récolement". Pour le palais de l'Elysée, cinq semaines sont nécessaires. Cinq semaines pour photographier, inspecter chaque objet, pour chercher les manquants, qui souvent ont été déplacés, et, en cas de disparition avérée d'un objet de valeur, pour la signaler par un dépôt de plainte.
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