Au huitième et avant-dernier jour de leur grève mardi, les médecins envisageaient de poursuivre leur mouvement sous d'autres formes, brandissant la menace de boycott de la Carte vitale.
De leur côté, les cliniques privées ont renoncé à l'arrêt d'activité illimité qui était prévu à partir du 5 janvier.
La ministre de la Santé continue de défendre son projet de loi, déclencheur de la grogne. "Il y a des inquiétudes qui s'expriment, je les entends", a répété à nouveau Marisol Touraine sur Europe 1. "Je souhaite pouvoir y répondre" et un travail est engagé avec les médecins, "mais je veux dire que je pense aussi aux patients, et les patients ont droit d'attendre que notre système de santé évolue pour répondre à leurs besoins".
"La loi que je porte a précisément pour ambition de renforcer la place du médecin de proximité et en particulier du médecin généraliste", a-t-elle voulu rassurer.
Mais la rupture semble consommée avec le corps médical libéral qui exige une réécriture complète de ce projet de loi, voire son retrait.
A l'appel des quatre syndicats représentatifs, généralistes et spécialistes ont fermé leurs cabinets depuis le 23 décembre dans des proportions variables, selon les secteurs. Le mouvement doit se poursuivre jusqu'à mercredi. Les urgentistes de SOS médecins ont rejoint le mouvement lundi.
- 'Fliqués, traqués, dévalorisés, supprimés' -
"Nous ne voulons pas que les pouvoirs des ARS soient étendus. Nous avons peur d'être de plus en plus fliqués, traqués, dévalorisés, supprimés", témoigne l'un d'eux qui fait grève dans les Yvelines. "Nous sommes aussi contre l'extension du tiers payant, parce que nous sommes des libéraux et ne voulons pas devenir des fonctionnaires de l'Etat".
De son côté, la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), qui regroupe quelque 1.000 cliniques et hôpitaux privés, a annoncé à la mi-journée qu'elle renonçait à la grève illimitée prévue à compter du 5 janvier, après avoir obtenu des "avancées" auprès du ministère de la Santé.
Mais des syndicats de médecins libéraux spécialistes réunis au sein du "Bloc" (chirurgiens obstétriciens), mécontents de ce compromis conclu "dans leur dos", ont aussitôt précisé qu'ils maintenaient leur nouvel arrêt de travail à compter de lundi.
Le manque de médecins libéraux provoque une activité accrue pour les Centres 15 qui régulent les appels, urgents ou plus bénins. Mais il n'y a pas de ruée sur les urgences, assure aussi le ministère.
Les risques ont été anticipés, comme en témoigne cette pancarte à l'entrée d'une salle des urgences du CHU de Rennes: "Attente aux urgence. En raison de la grève des médecins libéraux le nombre de passages aux urgences augmente, les professionnels de santé font tout leur possible pour prendre en charge l'ensemble des patients".
Mais dans cet hôpital breton, comme dans celui de Nantes, les urgences semblaient loin d'être saturées, comme l'ont constaté des journalistes de l'AFP.
- Bras de fer avec Touraine -
Même si le mouvement n'a pas trop d'incidences sur les patients, le bras de fer engagé par le front syndical uni avec le ministère peut être, lui, lourd de conséquences.
Le projet de loi Touraine n'est pour l'instant pas aussi impopulaire que ne l'a été la loi Bachelot en 2009 --qui avait fait descendre dans la rue médecins, personnels hospitaliers, chefs de service et médecins libéraux. Mais il a ravivé les tensions entre le public et le privé.
Les syndicats de libéraux sont déjà en train de préparer le coup d'après la grève, songeant notamment à une grève des télétransmissions aux caisses de la Sécu des feuilles de soins qui entraînerait pour les patients et les médecins des retards de paiement. La dernière grève de la Carte vitale d'ampleur menée par des libéraux date de 2001.
Alors même qu'ils avaient dans un premier temps salué le volet prévention de ce projet de loi, dévoilé en juin, les syndicats ont au fil des semaines affûté leurs critiques, s'en prenant au rôle accru donné aux Agences régionales de santé ou à la délégation de tâches (comme la vaccination aux pharmaciens).
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