La justice russe a épargné mardi la prison ferme à l'opposant numéro un au Kremlin Alexeï Navalny, mais a condamné à de la prison ferme son frère, "otage" d'une affaire hautement politique selon ses partisans qui appellent à manifester en soirée.
Les condamnations des frères Alexeï et Oleg Navalny sont l'épilogue d'une année que la Russie de Vladimir Poutine a marquée de son empreinte, de l'annexion de la Crimée au conflit dans l'est de l'Ukraine sur fond de détérioration de ses relations avec les Occidentaux.
Au terme d'une lecture inhabituellement rapide du jugement, le tribunal de Moscou a reconnu coupable d'escroquerie les deux frères dans l'affaire "Yves Rocher". Mais alors que Alexeï Navalny, au centre de toutes les attentions, a écopé d'une peine avec sursis de trois ans et six mois de prison, son petit frère, moins en vue, a lui écopé de trois ans et demi de prison ferme.
L'opposant à Vladimir Poutine a explosé à l'énoncé du jugement, martelant la table de ses poings en lançant à la cour: "Pour quel motif vous le mettez en prison? C'est quoi cette saloperie? C'est pour me punir davantage?"
Il a ensuite appelé ses partisans à descendre dans la rue et fustigé un pouvoir qui ne "cherche pas seulement à détruire les opposants" mais également "ses proches". "Ce régime ne mérite pas d'exister, il doit être détruit", a-t-il lancé.
Ces condamnations constituent d'autant plus une surprise que le parquet russe avait requis au départ une peine de huit ans de prison pour Oleg Navalny, moindre que celle requise contre l'opposant, dix ans de prison.
A 38 ans, Alexeï Navalny est considéré comme le plus charismatique et le plus important opposant au président russe même si sa popularité et son influence sont plus que limitées dans un pays où les médias indépendants et les partis d'opposition ont été réduits à peau de chagrin durant les quinze ans au pouvoir de Vladimir Poutine.
- Combat politique -
Accusé par ses détracteurs d'être soutenu par l'Occident, le blogueur aux accents nationalistes et pourfendeur de la corruption des élites russes, cet avocat de formation était poursuivi avec son frère pour avoir escroqué une filiale russe de la société française de cosmétiques Yves Rocher en surfacturant leurs services alors qu'ils géraient une entreprise de transport.
Il était assigné à résidence depuis février.
L'entreprise française Yves Rocher avait déposé plainte, avant, finalement de la retirer, affirmant par la voix de Christian Melnik, directeur financier de sa filiale russe, n'avoir subi "aucun dommage" à la suite de sa collaboration en 2008 avec la société de transport des frères Navalny, Glavpodpiska. Ces derniers étaient accusés d'avoir détourné 27 millions de roubles (l'équivalent de 393.000 euros).
Dans un commentaire sur son site, l'opposant avait estimé à la veille du jugement que son procès dépassait largement sa personne et qu'au fond, peu importait le jugement.
"Dix ans, cinq ans, deux ans de prison ferme ? Une peine avec sursis ? demandait-il. "Quelle différence cela fait-il ? Même si demain on me condamne à dix jours dans la suite +luxe+ d'un sanatorium avec cinq repas par jour, cela changera-t-il quelque chose pour vous ?"
- Manifestation prévue mardi soir -
La possibilité d'une peine de prison ferme prononcée contre le juriste, déjà sous le coup d'une peine de cinq ans de camp avec sursis, avait immédiatement suscité des appels à manifester le jour du jugement, prévu alors le 15 janvier.
Mais le tribunal avait annoncé lundi avancer l'énoncé du jugement, arguant avoir "déjà eu le temps de le rédiger", selon la porte-parole du tribunal, Ioulia Petrova.
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