La "Movida" avait rendu les nuits de Madrid célèbres dans le monde entier. Mais la crise, le chômage et une brusque hausse de la TVA ont porté un coup aux bars de la capitale espagnole jusqu'à changer les habitudes des fêtards.
Après quarante ans de dictature franquiste (1939-1975), la capitale espagnole s'était réveillée dans un grand bouillonnement artistique et festif, baptisé "la Movida". Mais les temps ont changé.
"La crise est indéniable, elle touche tout le pays: les bars et la nuit madrilènes n'y échappent pas", explique Dani Marin co-propriétaire du Costello.
Ouvert en 2005 à quelques pas de la célèbre Gran Via, avenue du centre de Madrid où les bars se comptent par centaines, le sous-sol du Costello résonne en ce vendredi soir des riffs de jeunes talents rock en concert tandis qu'à l'étage, un DJ anime de rythmes soul les conversations plus calmes des clients accoudés au bar à cocktails.
"On remarque davantage la baisse des dépenses que de la fréquentation: souvent le bar est presque aussi animé qu'en 2008 mais on fait moitié moins de recettes", poursuit Dani Marin.
Frappée doublement par l'éclatement de sa bulle immobilière et la crise financière internationale, l'économie espagnole a plongé il y a six ans, voyant son taux de chômage s'envoler jusqu'à frapper un actif sur quatre.
Sur fond de mesures historiques d'austérité, les bars comme le Costello, qui organise des concerts, ont aussi été touchés par la forte hausse de la TVA sur la culture. Elle a bondi de 8% à 21% en septembre 2012.
- La fin 'du jeudi' -
Avec plus de 30.000 bars et restaurants, le secteur de la nuit est crucial pour l'économie madrilène: en comptant les spectacles et les casinos, il emploie quelque 75.000 personnes et contribue à hauteur de 3% à 4,7% au PIB annuel de la région, selon les estimations, soit entre 5,5 et 7,5 milliards d'euros.
Mais si la croissance est timidement repartie en 2014, les poches des Espagnols peinent à se remplir Au point de changer les habitudes, même dans une ville où la nuit est reine et où toutes générations confondues ont longtemps préféré se retrouver au bar du coin autour de tapas plutôt que d'organiser un dîner assis.
"Le jeudi avant était comme un jour de week-end", les noctambules se pressant aussi nombreux dans les bars. "Maintenant c'est juste un autre jour de semaine: c'est le changement le plus spectaculaire que nous ayons vécu", raconte Dani Marin.
"Madrid a perdu de sa magie", regrette aussi Juan Cañadas, trentenaire rencontré avec son amie lors d'une promenade nocturne dans le quartier branché de Malasaña. "Avant c'était une ville comme peuvent l'être Berlin ou Londres, pleine de possibilités, avec un choix beaucoup plus large", ajoute ce spécialiste en stratégies de réseaux sociaux.
Avec la perte de vitesse du secteur, "nous avons perdu près d'un point de PIB de l'économie" locale, avance Vicente Pizcueta, porte-parole d'une plateforme rassemblant des professionnels de la nuit madrilène.
Comme lui, de nombreux patrons de bars accusent la mairie de ne pas les soutenir assez, notamment en ne réprimant pas davantage la vente ambulante d'alcool bon marché dans les rues.
La mairie, elle, assure "soutenir des initiatives encourageant les secteurs" de la gastronomie et de la nuit, deux de ses "principaux attraits touristiques".
- Loin de la Movida -
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