Opprimés pendant des décennies de dictature militaire, les catholiques birmans ont enfin fêté en 2014, avec quatre années de retard, leurs cinq siècles de présence dans le pays mais la nouvelle montée des tensions interreligieuses inquiète la minorité.
Les quelques 500.000 catholiques soit 4% des 51 millions d'habitants de l'ancien Etat-paria, ont également pu célébrer cette année la première béatification de l'un des leurs. Ce martyre fut assassiné à la frontière est du pays en 1950.
"Nous sommes encouragés par le saint, le premier saint officiellement béatifié de Birmanie" s'est enthousiasmé le Père Celso, curé de la paroisse de Loikaw, la capitale de l'Etat Kayah, région où Isidore Ngei Ko Latet a été tué avec le prêtre italien Mario Vergara.
En Birmanie, le meurtre de ce jeune catéchiste, il y a plus de 60 ans, avait presque été oublié après des dizaines d'années de répression par la junte au pouvoir qui a imposé de sévères restrictions aux minorités religieuses dans un pays largement bouddhiste.
Au moment de leur disparition, les deux missionnaires voyageaient dans une région reculée agitée par des affrontements entre une minorité protestante baptiste et le gouvernement.
Tombés aux mains des rebelles, qui les ont considérés comme des alliés du gouvernement en place, les insurgés les ont emmenés dans la jungle avant de les tuer. Leurs corps auraient ensuite été placés dans des sacs, jetés dans la rivière. Leurs dépouilles n'ont jamais été retrouvées.
"A cette époque du conflit, il était impossible de prendre les choses tranquillement et de construire de la compréhension", ajoute le père Celso sur le parvis baigné de soleil de la cathédrale de Loikaw.
- Persécution religieuse -
La Birmanie est déstabilisée depuis l'indépendance de 1948 par plusieurs conflits régionaux. Les affrontements touchent notamment les régions frontalières, où les minorités ethniques dénoncent la discrimination, les persécutions religieuses et des abus de l'armée, qui a maintenu le pays sous une chape de plomb jusqu'en 2011.
Les régimes militaires successifs ont adopté des "discriminations particulières contre les minorités religieuses non-bouddhistes - musulmans et chrétiens", raconte Benedict Rogers de l'organisation Christian Solidarity Worldwide.
Catholiques et musulmans représentent chacun 4% de la population alors que 90% des Birmans sont bouddhistes.
Depuis la dissolution de la junte en 2011, le gouvernement quasi-civil a entraîné le pays dans un tourbillon de réformes qui ont permis l'ouverture du pays après un demi-siècle de dictature et la libération de nombreux prisonniers politiques.
Ces changements ont poussé l'Eglise à dénoncer les conflits et notamment celui qui oppose l'armée et des rebelles dans l'Etat Kachin, où vit une grande communauté chrétienne. Cette guerre a déjà provoqué le déplacement d'environ 100.000 personnes.
De hauts responsables catholiques ont également dénoncé l'intolérance religieuse et la vague de violence populaire à l'encontre des minorités musulmanes, qui a fait quelque 200 morts ces deux dernières années.
"Pour que la Birmanie soit vraiment libre, pacifique et prospère, les droits de toutes les ethnies et de toutes les confessions religieuses doivent être protégés", a estimé l'archevêque de Rangoun, Charles Bo, dans un article paru dans le Washington Post en juin dernier.
"Un mouvement qui a gagné en volume et en influence menace cet objectif: le nationalisme bouddhiste extrêmiste", a-t-il ajouté.
- 'Evénement unique' -
Malgré cette nouvelle menace, la petite communauté est bien décidé à sortir de l'ombre et en novembre des milliers de personnes se sont déplacées pour fêter pendant trois jours dans la cathédrale de Rangoun, leurs cinq siècles de présence sur le sol birman.
Pour nombre d'entre eux, qui avaient revêtus les habits traditionnels des minorités ethniques, il s'agissait d'une première.
"Je suis si heureux de rencontrer des gens de la même religion que moi", s'est enthousiasmé Bawk Ra, 25 ans, qui portait sur ses épaules un châle d'argent scintillant, partie de son costume traditionnel kachin.
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