Après avoir été au centre d'un maelström diplomatique, la comédie "L'interview qui tue!" sur un complot fictif d'assassinat du dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un, est considérée par les premiers spectateurs en salles comme le symbole de la défense de la liberté d'expression.
"Je n'avais aucune intention avant d'aller voir ce film mais étant donné tout ce qui s'est passé, je pense que c'est important de montrer notre soutien", a déclaré à l'AFP Greg Millett, un scientifique de 46 ans, juste avant la projection du film dans le West End Cinema à Washington.
"Nous pensons qu'il s'agit d'une question de principe très importante de ne pas laisser des entités dicter ce qui peut être vu ou pas vu en Amérique", a expliqué dimanche à l'AFP Josh Levin, co-fondateur de ce cinéma de la capitale fédérale. "L'intimidation ne devrait pas empêcher la libre expression des idées".
Une raison avancée par de nombreux spectateurs qui ont fait le déplacement pour voir le film dès sa sortie jeudi, dans environ 300 cinémas aux Etats-Unis. Au lieu des 2.500 salles prévues à l'origine dans les grands réseaux.
Certains ont même eu la surprise, en assistant à une projection nocturne mercredi soir à Los Angeles, de recevoir la visite des co-réalisateurs de la comédie, Seth Rogen et Evan Goldberg.
"Nous pensions que ça n'arriverait jamais", a déclaré Seth Rogen, également l'une des têtes d'affiche de la comédie. "Nous voulions simplement vous remercier. Sans des cinémas comme celui-ci et sans des gens comme vous, les mecs, ça ne serait pas arrivé", a-t-il ajouté, selon des vidéos postées sur YouTube par plusieurs spectateurs.
Car les grandes chaînes de cinéma américaines ont toutes annoncé la semaine dernière qu'elles renonçaient à projeter la comédie à la suite des menaces proférées par des pirates informatiques, évoquant les attentats du 11-Septembre.
Une décision qui avait amené le studio Sony pictures entertainement (SPE) à annuler la sortie du film sur grand écran, prévue le 25 décembre aux Etats-Unis après avoir été retardée une première fois.
Le président Barack Obama avait qualifié cette reculade d'"erreur" et de nombreux parlementaires avaient regretté cette décision de Sony. Acteurs et réalisateurs avaient dénoncé une grave atteinte à la liberté d'expression.
Mardi, Sony est finalement revenu sur sa décision et a autorisé une sortie limitée dans des cinémas indépendants. Le film était accessible dès mercredi soir, moyennant finances, sur plusieurs plateformes internet et un site dédié (www.seetheinterview.com).
"Beaucoup de gens me disent en achetant leur billet qui le font pour une question de principe", a précisé M. Levin, le patron du cinéma de Washington qui a vendu en moins d'une heure tous les billets jusqu'à samedi inclus.
C'est le cas de Jeff Crowley, un chercheur de 49 ans, qui a pris place dans son cinéma. "Je ne serais certainement pas ici mais avec cette controverse je pense que c'est important de venir voir ce film".
"Comme a dit le président Obama, s'ils peuvent faire cela pour une comédie, on peut se demander ce qu'ils feraient pour un documentaire sérieux", a-t-il poursuivi. "Pour moi, c'est davantage pour le précédent que ça pourrait créercar nous ne voulons pas que tous ces studios de cinéma aient peur".
Ce n'était au départ qu'une simple comédie mettant en scène James Franco et Seth Rogen en journalistes de télévision qui obtiennent une interview avec Kim Jong-Un. C'est alors selon le scenario que la CIA s'en mêle et les charge de tuer le jeune leader.
Le film a tellement irrité le régime de Pyongyang, qui l'a qualifié "d'acte de terrorisme", que la Corée du Nord a commandité un piratage informatique massif de Sony avec un chantage à la clef. C'est ce qu'a affirmé la police fédérale américaine, le FBI.
Cette cyber-attaque révélée le 24 novembre avait été revendiquée par un groupe de pirates "Guardians of the peace" (GOP), exigeant du studio de cinéma qu'il annule la sortie du film. Ces hackers avaient notamment menacé de s'en prendre aux salles de cinéma qui projetteraient la comédie.
Le régime communiste nie être impliqué dans ce piratage au cours duquel les données personnelles de 47.000 employés et collaborateurs de Sony Pictures ont notamment été dérobées, tout en félicitant les auteurs.
Le président Obama avait assuré que Washington répliquerait après ce hacking, décrit par le FBI comme la plus grave cyber-attaque jamais menée aux Etats-Unis.
L'agence de presse gouvernementale nord-coréenne a de nouveau agité la menace de l'arsenal nucléaire du régime et conseillé à Washington de "réfléchir à deux fois à sa politique hostile" envers Pyongyang.
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