Le vétéran de la politique Béji Caïd Essebsi a remporté à 88 ans la présidentielle en Tunisie avec la lourde charge de relancer le pays après quatre ans d'une transition parfois chaotique.
Le chef du parti anti-islamiste Nidaa Tounès a largement distancé le chef de l'Etat sortant Moncef Marzouki avec 55,68% des suffrages au deuxième tour de la présidentielle, selon les résultats annoncés lundi. Le calendrier de la passation de pouvoir n'a pas été dévoilé.
M. Marzouki a reconnu sa défaite et félicité son rival, selon son directeur de campagne, Adnène Mancer, mais le président sortant ne s'est pas exprimé.
Persuadé de sa victoire, M. Caïd Essebsi lui avait lancé dès dimanche soir un appel à l'unité. "L'avenir proche et lointain nous oblige à travailler ensemble pour la Tunisie", avait-il déclaré.
M. Caïd Essebsi est appelé à devenir le premier président élu démocratiquement depuis l'indépendance en 1956. Et son parti, qui a remporté les législatives en octobre, va désormais devoir constituer une coalition pour gouverner, faute de majorité absolue, et composer avec les islamistes du parti Ennahda.
Le président américain Barack Obama l'a félicité, affirmant que son pays avait "hâte de travailler étroitement" avec lui. Le chef de l'Etat égyptien Abdel Fattah al-Sissi a également félicité le vainqueur.
Ancien ministre du père de l'indépendance Habib Bourguiba, président du parlement au début des années 1990 de Zine El Abidine Ben Ali, M. Caïd Essebsi est revenu sur le devant de la scène politique à la faveur de la révolution. Il a occupé pendant plusieurs mois le poste de Premier ministre, organisant les premières élections libres qui ont porté les islamistes d'Ennahda au pouvoir.
- Heurts dans le sud -
Il a ensuite bâti son parti sur le rejet des islamistes et le rétablissement du prestige de l'Etat, selon la tradition bourguibienne.
Ses partisans ont fait la fête une partie de la nuit devant son siège de campagne, dans le quartier de bureaux des Berges du Lac de Tunis et y étaient de nouveau rassemblés lundi après-midi pour célébrer la victoire.
Chez ses adversaires, son élection annoncée a suscité la colère de certains. Dans le sud, à El Hamma, des heurts ont éclaté avec des policiers dès dimanche soir. Des affrontements ont encore eu lieu lundi en début d'après-midi, faisant des blessés dans les rangs de la police selon le ministère de l'Intérieur, qui a précisé que deux postes de police avaient été incendiés à El Hamma.
Les deux finalistes de la présidentielle se détestent et leurs campagnes ont été marquées par de multiples échanges d'invectives. M. Marzouki s'est efforcé de dépeindre M. Caïd Essebsi comme le représentant de la dictature tunisienne déchue. Ce dernier a en retour dénoncé les compromissions du chef de l'Etat avec les islamistes, voire même les jihadistes.
La société civile a multiplié les appels aux deux candidats pour qu'ils cessent d'attiser les tensions.
Afin d'éviter un retour vers la dictature, l'essentiel du pouvoir exécutif revient au gouvernement, le chef de l'Etat ayant vu ses prérogatives limitées dans la Constitution adoptée début 2014.
- Défi économique, menace jihadiste -
Les journaux tunisiens ont relevé lundi les nombreux défis de la Tunisie, en particulier sur le plan économique. Quatre ans après une révolution largement motivée par la pauvreté, le chômage et la misère restent en effet endémiques alors que la croissance est anémique.
"En témoignent tous ces clignotants socio-économiques qui ont viré au rouge avec surtout un appareil productif complètement grippé, un investissement en panne, un taux de chômage alarmant, un pouvoir d'achat à son plus bas et une situation sociale totalement désordonnée", souligne la Presse.
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