Le caporal Vincent Moulia fut le seul poilu à avoir réussi à s'évader après une condamnation à mort pour mutinerie, en 1917, au Chemin des dames: son histoire et sa cavale extraordinaire sont narrées dans un documentaire qui sera projeté en 2015 au musée de la caverne du Dragon (Aisne).
Réalisé par Chantal Quaglio et Patrick Colin et produit par le conseil général de l'Aisne, le film, "Fugitif pour l'exemple", a été diffusé pour la première fois jeudi soir à Soissons devant une cinquantaine de personnes. Il s'articule autour d'une archive mettant en scène Vincent Moulia, tournée en 1970 par quatre jeunes cinéastes proches du Parti communiste.
On y voit le vieil homme alors âgé de 82 ans, filmé dans son village natal de Nassiet dans les Landes: il raconte son entrée en guerre en août 14, les premiers affrontements meurtriers en Belgique, son arrivée sur le Chemin des Dames et sa participation à une mutinerie, fin mai 17, à Villers-sur-Fère, dont il donne une version très personnelle, puis son évasion et son extravagante cavale jusqu?en Espagne.
"Vincent Moulia se donne un rôle très passif dans ces événements qui le conduiront devant le conseil de guerre alors que les archives de l'époque, avec des témoignages de civils, laissent à penser qu'il pourrait être un des meneurs", explique l'historien Denis Rolland qui a participé au film.
"Outre l'histoire extraordinaire de cet homme, le documentaire interroge également le rapport entre la subjectivité d'un témoignage et ce que l'on sait de la vérité historique", ajoute l'historien.
Soldat du 18e Régiment d'Infanterie, Vincent Moulia fut blessé deux fois au combat, notamment à Verdun, où il fut promu caporal et décoré de la croix de guerre, avant d'être envoyé sur le Chemin des Dames en proie aux offensives meurtrières du général Nivelle au printemps 1917.
- Le meilleur "sauve qui peut" -
Après de durs combats et une permission écourtée, des troubles éclatent le 27 mai à l'arrière du front, à Villers-sur-Fère et à Fère-en-Tardennois où des soldats du régiment défilent dans les rues en chantant l'Internationale, tirant en l'air aux cris d'"A bas la guerre".
Traduits devant le Conseil de guerre à Maizy (Aisne), cinq présumés meneurs, dont Vincent Moulia, seront condamnés à mort pour mutinerie, un seul sera gracié. La veille de leur exécution prévue à l'aube du 12 juin, ils sont incarcérés dans une ferme à portée des canons ennemis.
A la faveur d'un bombardement allemand, Moulia parvient à s'évader et s'enfuir vers Paris où il demande de l'aide à une tante qui refuse de le recevoir. Il parvient à échapper aux gendarmes et regagne son village natal: il se cache dans les bois jusqu'en 1918 aidé par sa famille et sa fiancée, Berthe, très présente dans le film.
"Je suis +le meilleur sauve qui peut+" plaisante le vieil homme dans le film, l'oeil malicieux et la moustache blanchie barrant son visage émacié.
Sur le point d'être dénoncé, il se réfugie alors en Espagne où Berthe le rejoint avec la complicité du curé du village. En 1936, il fuira Saint-Sébastien, prise dans la guerre civile, rejoignant, par bateau, Bordeaux, où il sera brièvement incarcéré malgré la loi d'amnistie de 1933. Après quoi, il retournera s?installer à Nassiet, avec sa femme et ses deux enfants.
Il lui faudra attendre 1952 pour recouvrer ses droits sociaux et sa carte de combattant, à la suite d'une intervention du maire de Pau.
En 1978, le journaliste de l'Humanité Pierre Durand lui consacre un livre et un an plus tard Alain Decaux popularise l'histoire de ce soldat fugitif dans son émission télévisée, suscitant de très nombreux courriers de téléspectateurs émus par son récit.
Vincent Moulia s'est éteint presque centenaire, dans son village, le 28 décembre 1984, fête des Saints-Innocents. Il repose au cimetière d'Orthez.
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