C'est une pièce sans fenêtres de 15 mètres carrés où sous les lampes, des dizaines de plants sont enfin à maturité: au club Sativa, c'est l'émotion de la première récolte, un an après la loi qui a fait de l'Uruguay l'unique pays au monde à légaliser le cannabis.
"Moi, j'étais un consommateur de +prensado+ (du cannabis de mauvaise qualité, acheté au marché noir, ndlr) paraguayen, sans beaucoup d'informations", raconte Joaquin Fonseca, 37 ans, président de ce club cannabique de Montevideo, créé il y a un peu plus de deux mois.
Joaquin, qui a aussi lancé cette année une boutique, Planeta Ganja, spécialisée dans les accessoires pour la culture de cannabis, ne se sentait pas prêt à cultiver tout seul cette plante, malgré le feu vert donné fin 2013 par le gouvernement uruguayen.
Il a donc créé un club et, en attendant que se concluent les démarches administratives pour s'enregistrer légalement, il a commencé à planter, tout comme une quinzaine de clubs dans le pays.
La loi pionnière offre trois modes d'accès au produit (culture à domicile, appartenance à un club cannabique ou achat en pharmacie), l'usager ne pouvant en choisir qu'un.
Pour l'instant, seuls les deux premiers sont lancés, la disponibilité en pharmacie étant prévue au plus tôt au second semestre 2015.
Tout en coupant soigneusement les fleurs de sa première récolte, Joaquin raconte qu'avec ses comparses, il a l'impression d'entrer dans l'Histoire.
"De nombreux membres gardent le reçu de leur première adhésion, ils se disent : +je suis membre fondateur, en Uruguay, d'un des premiers clubs légaux au monde+" de culture de cannabis.
Ils évitent aussi de s'aventurer dans l'illégalité pour se fournir : "j'ai dû acheter sur le marché noir et ce n'est pas beau, il faut aller dans des lieux qui ne font pas envie, contacter des gens qui ne sont pas de bonnes relations. Qu'au moins les 45 membres de mon club n'aient plus à faire ça, c'est un beau succès", se réjouit Joaquin.
- 'Beaucoup d'autocultivateurs' -
De plus en plus de particuliers décident aussi de franchir le pas en solitaire.
"Il y a beaucoup de gens nouveaux" qui cultivent à domicile, explique à l'AFP Juan Vaz, porte-parole de l'Association d'études cannabiques d'Uruguay (AECU). "Nous le voyons dans l'association, en boutique, ils s'enregistrent d'abord et peu à peu acquièrent la connaissance" nécessaire.
Juan, qui avait passé onze mois en prison en 2007 pour avoir chez lui des plants de cannabis pour son usage personnel, se consacre désormais à plein temps à cette drogue douce : il travaille dans une boutique dédiée à sa culture, il est aussi jardinier dans un club cannabique et en conseille quatre autres.
Il voyage régulièrement en Espagne et aux Pays-Bas pour s'informer sur les nouveautés dans ce domaine.
"Cela fait 15 ans que nous poussons pour un changement de la politique en matière de drogues, et vraiment maintenant, c'est le moment où nous avons le plus confiance. Les clubs se concrétisent, c'est une réalité, et il y a beaucoup d'autocultivateurs, enregistrés ou non", raconte-t-il.
Car la loi a mis en place un registre national où doivent s'inscrire les consommateurs, une mesure qui a créé beaucoup de réticences, les usagers potentiels craignant d'être "fichés", avec un risque ensuite si le gouvernement ou la loi change.
Ainsi, selon l'Institut de régulation et de contrôle du cannabis (IRCCA), en octobre, on comptait 601 personnes inscrites comme cultivateurs à domicile, un chiffre bien loin des quelque 10.000 qui, selon l'AECU, font pousser du cannabis chez eux.
Avec 3,3 millions d'habitants, l'Uruguay compte 150.000 consommateurs réguliers de cannabis selon les estimations officielles.
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