Sous la pression de la Cour européenne des droits de l'Homme, François Hollande a annoncé vendredi l'élaboration d'un projet de loi accordant aux militaires français un droit d'association professionnelle, excluant toutefois "tout droit syndical".
Cette décision a été prise sur la base d'un rapport remis au président après deux décisions de la CEDH début octobre, qui avaient ouvert une brèche dans l'interdiction faite aux militaires français de se syndiquer.
La CEDH "a jugé par deux arrêts du 2 octobre 2014 que si la liberté des militaires peut faire l?objet de restrictions légitimes, ceux-ci ne peuvent se voir refuser de manière générale un droit d?association pour la défense de leurs intérêts matériels et moraux", a expliqué l'Elysée dans un communiqué.
"Le président de la République a, à la suite de ces décisions, demandé à Bernard Pêcheur, président de section au Conseil d'Etat, de faire des propositions sur les enseignements à en tirer, éventuellement par une adaptation du droit interne français". Ce rapport, remis au président le 18 décembre et disponible sur le site de l'Elysée, "propose d?instituer un droit d?association professionnelle adapté à l?état militaire, à l?exclusion de tout droit syndical".
Le président a donc "chargé le ministre de la Défense (Jean-Yves Le Drian) et le ministre de l?Intérieur (Bernard Cazeneuve) de mettre en ?uvre toutes les conclusions du rapport et de proposer en conséquence un projet de loi relatif au droit d?association professionnelle des militaires".
En outre, François Hollande "a décidé, conformément aux préconisations du rapport, de ne pas demander le renvoi des décisions de la CEDH en Grande Chambre", l'instance suprême de cette juridiction dont les décisions sont définitives et s'imposent aux Etats.
- Liberté d'association violée -
Dans deux affaires distinctes, les juges de Strasbourg ont accepté le principe de "restrictions légitimes" dans la liberté d'association des militaires, mais pas au point d'interdire de manière "pure et simple de constituer un syndicat ou d'y adhérer", comme le fait la France.
La première affaire concerne un gendarme de 49 ans, Jean-Hugues Matelly, qui avait créé en 2008 le "Forum gendarmes et citoyens", une association centrée sur la communication, ouverte aux gendarmes, en activité ou retraités, comme aux civils. La direction de la gendarmerie avait contraint M. Matelly et les autres gendarmes en activité à démissionner de cette structure. Et le Conseil d'Etat avait rejeté en 2010 un recours exercé contre cette injonction.
La seconde affaire concerne l'Adefdromil (Association de défense des droits des militaires), créée en 2001 par deux militaires. Le Conseil d'Etat avait rejeté les recours de ce groupement contre des actes administratifs, en s'appuyant sur l'interdiction de se syndiquer pour les militaires.
Dans les deux cas, la CEDH a estimé que la France avait violé la liberté d'association des requérants, en édictant "une interdiction pure et simple de constituer un syndicat ou d'y adhérer", qui "porte à l'essence même de cette liberté".
Interrogé par l'AFP, le juriste en droit public Nicolas Hervieu avait prédit que la position de la CEDH allait "impliquer une modification de la législation française" et en particulier de l'article du Code de la Défense qui interdit tout "groupement professionnel à caractère syndical" dans l'armée. Dont acte.
L'interdiction de se syndiquer concerne très peu de professions en France. C'est le cas pour les officiers ministériels, comme les notaires, avoués ou huissiers, qui peuvent toutefois constituer des associations. Pour les fonctionnaires, outre les militaires, l'interdiction concerne les préfets et les sous-préfets.
Les policiers ont de leur côté le droit de se syndiquer, mais pas de faire grève.
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