D'abord, l'un de ses fils, atteint d'une mystérieuse maladie, est mort. Puis un deuxième, et un troisième. En 1996, Khalid al-Jabor avait déjà perdu cinq de ses enfants, tous atteints du sida, victimes du sang contaminé qu'une firme française aurait exporté vers l'Irak.
Aujourd'hui, cet homme de 58 ans se bat toujours pour obtenir réparation de l'Institut Mérieux, repris depuis par le géant Sanofi, pour lui et quelque 270 familles de victimes irakiennes.
"Je crois que les droits de l'Homme, la liberté, la démocratie sont des principes imaginaires, ils n'existent pas vraiment", dit avec amertume Khalid al-Jabor lors d'une visite à Paris où Sanofi a accepté de rouvrir le dossier.
L'histoire a commencé au début des années 80, lorsque le virus venait d'être découvert et que son évocation terrorisait le monde entier.
A l'époque, cinq des fils de M. Jabor, tous hémophiles, nécessitaient régulièrement des transfusions sanguines.
Ils ont tous été traités à Bagdad et ont reçu des transfusions de poches de sang qui auraient été importées de l'Institut Mérieux par les autorités irakiennes.
Avec la prise de conscience dès 1982 que de nombreux hémophiles étaient atteints du VIH (virus du sida), les scientifiques ont commencé à plaider pour que le sang soit chauffé pour tuer les virus.
Alain Bernal, porte-parole de Sanofi Pasteur, affirme qu'à l'époque, il y avait de fortes craintes que ce processus n'endommage dans le sang le facteur VIII (facteur de coagulation) dont les hémophiles ont un besoin vital.
En février 1985, le journal médical The Lancet relevait cependant que chauffer le sang n'avait pas de conséquences néfastes. Ce n'est qu'en novembre 1985 que l'entreprise Mérieux a arrêté d'exporter des lots non chauffés vers l'Irak, la Libye, la Tunisie et d'autres.
Dans un entretien à l'AFP en 1992, quand le scandale a éclaté, Alain Mérieux, président de l'Institut, avait "assumé" ce retard en expliquant qu'à l'époque ses équipes développaient "un procédé industriel de chauffage".
"Avec le recul, je pense que nous avons réagi trop lentement mais qu'en aucune façon il n'y avait chez nos collaborateurs de doutes sur l'innocuité des produits", avait-il précisé.
- Compensations financières? -
Pour M. Jabor, fonctionnaire retraité, et son épouse, le drame a été implacable.
En 1983, leur fils de quatre ans, Ali, est mort de ce qui était à l'époque une mystérieuse maladie. En 1986, Walid, 8 ans, décéde des mêmes symptômes. Plus tard, Bachar, 7 ans, connait le même sort.
Les deux derniers, diagnostiqués du sida, ont été placés en quarantaine dans un hôpital de Bagdad jusqu'à leur mort, seuls. "Personne ne pouvait les voir, je n'ai pas eu accès à mes fils", dit M. Jabor.
Il a commencé à craindre que les autorités veuillent lui prendre ses deux autres fils, Haïdar et Mohamed.
Haïdar est mort en 1989, à l'âge de six ans. Mohamed en 1996.
Dans un pays sous dictature de Saddam Hussein, on avait conseillé au père de famille de ne pas révéler son histoire.
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