Le ministre du Travail François Rebsamen a semé le trouble mardi en lâchant que le gouvernement allongerait, si nécessaire, la durée de cotisation pour une retraite à taux plein, une mesure aussitôt écartée par sa collègue des Affaires sociales Marisol Touraine.
La déclaration du ministre du Travail a surpris au moment où la pérennité du système des retraites de base semble mieux assurée, selon le Conseil d'orientation des retraites. A l'inverse, les régimes de retraite complémentaire sont eux menacés de faillite.
S'exprimant en début d'après-midi avant les questions au gouvernement, François Rebsamen a observé que "la légère augmentation des cotisations que nous avons faite assure aujourd?hui jusqu'à l?horizon 2023-2025 le système des retraites françaises". Il a aussi assuré qu'il n'était "pas question de baisser le niveau des pensions".
Mais il est allé plus loin. "S'il faut progressivement, c'est d'ailleurs prévu dans la loi Ayrault, allonger la durée de cotisation, et bien nous le ferons puisqu'il est normal que quand l'espérance de vie s'allonge, on allonge proportionnellement les durées de cotisation", a-t-il lâché.
"Est-ce que c'est deux ans? () On verra ce que dira le conseil d'orientation des retraites", a-t-il dit.
"Rien d'autre" n'est prévu que la réforme appliquée depuis janvier, a répliqué peu après Marisol Touraine. Pour elle, "la situation aujourd'hui est simple: une réforme des retraites a été menée, qui porte ses fruits".
Le président du groupe socialiste Bruno Le Roux a renchéri: "il n'est en aucun cas envisagé en ce moment, ni même dans la prochaine année ou dans les deux prochaines années d'augmentation de l'âge de départ à la retraite".
En fin d'après-midi, François Rebsamen lui-même a tenu à préciser ses propos. "La loi qui a été votée prévoit un allongement de la durée de cotisation à 43 ans à partir de 2035. Je n'ai rien ajouté d'autre. J'ai dit que la durée de cotisation s'allongera progressivement, passera à 43 ans à l'horizon 2035", a-t-il dit.
La réforme Ayrault prévoit, pour une retraite à taux plein, d'atteindre une durée de cotisation de 43 ans (172 trimestres) en 2035, pour les générations 1973 et suivantes. En revanche, la loi ne touche pas à l'âge légal de départ à la retraite, fixé à 62 ans. Elle prévoit que ces mesures puissent évoluer.
Or, dans ses dernières projections actualisées, présentées mardi, le COR estime qu'un retour à l'équilibre du système est possible à l'horizon 2020 si l'activité économique repart. Il ne recommande pas de renforcer la législation sur les retraites, du moins pour les retraites de base.
- Pressions sur les complémentaires -
Le COR admet que sous l'effet combiné des réformes, l'âge effectif du départ à la retraite atteindra peu à peu 64 ans.
En revanche la situation est beaucoup plus délicate pour les retraites complémentaires.
Les partisans d'un allongement de la durée de travail, comme l'UMP Xavier Bertrand, s'appuient sur les déficits des régimes des retraites complémentaires. L'idée est que ce qui se fera pour les complémentaires se reproduira pour les retraites de base.
Pour remédier au trou potentiel de 15 milliards d'euros en 2030 de ces régimes complémentaires Agirc-Arrco, la Cour des comptes préconise notamment un recul de deux ans de l'âge légal de départ. Il faudrait dès lors travailler jusqu'à 64 ans pour toucher sa retraite complémentaire.
Les partenaires sociaux, gestionnaires de l'Agirc-Arrco, doivent rouvrir en février des négociations pour sauver ces régimes.
Le patronat est hostile à toute nouvelle hausse des cotisations, qui pèserait sur le coût du travail, mais plaide pour un recul de l'âge de départ à la retraite. Ce que les syndicats refusent.
"L'idée qui est matraquée partout c'est l'idée d'un salarié acteur de sa retraite. Or, plus de la moitié des salariés ne sont acteurs de rien du tout: plus de la moitié des salariés du privé ne sont plus sur le marché du travail quand il font liquider leur pension, ils sont au chômage, en invalidité ou aux minima sociaux", a souligné Philippe Pihet, représentant FO.
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