Le rouble n'en finissait pas de toucher le fond mardi malgré les mesures radicales prises par la banque centrale de Russie, mettant la pression sur le président Vladimir Poutine, impuissant face à une crise aux conséquences dramatiques pour la population.
Après une chute lundi de 9,5% sans précédent depuis la crise financière de 1998, la monnaie russe a plongé de plus de 20% dans l'après-midi. L'euro a dépassé le seuil inimaginable de 100 roubles et le dollar 80 roubles.
Cet effondrement est la conséquence directe des sanctions économiques décrétées par les Occidentaux pour punir l'attitude du président russe dans le dossier ukrainien et de la chute vertigineuse des cours du pétrole.
Le plongeon historique du rouble a créé des inquiétudes sans précédent depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 1999. Le chef de l'Etat, boudé par les Occidentaux mais toujours populaire dans son pays, doit passer jeudi un grand oral devant des centaines de journalistes russes et étrangers qui devrait faire la part belle à la situation économique que certains experts ou opposants libéraux n'hésitent pas à comparer à une "pré-faillite" de la Russie.
"La situation dans le pays est complètement instable, cela fait très peur", s'est désolé Ioulia, interrogée devant une banque de Moscou où s'est formée une file d'attente. "J'ai peur qu'on retourne à la situation des années 1990".
Le rouble a perdu près de 60% de sa valeur face au dollar depuis le début de l'année. La situation échappant désormais à tout contrôle, la Banque de Russie a annoncé au milieu de la nuit, fait exceptionnel, une hausse de 6,5 points de son taux directeur à 17%, contre 10,5% auparavant et 5,5% au début de l'année.
Mais le soulagement aura duré moins de deux heures sur les marchés mardi matin.
"En l'absence de réponse politique et dans un contexte de chute du pétrole, tous les efforts de la banque centrale pour inverser la chute libre semblent infructueux", a commenté Inna Moufteeva, économiste chez Natixis.
Le Premier ministre Dmitri Medvedev a annoncé une réunion des ministres en charge du secteur économique. Le président russe, pour sa part, est muet.
- Confiance -
Si la décision de la banque centrale répond à certaines inquiétudes du marché, "le principal problème est de regagner la confiance de la population, qui convertit de plus en plus ses économies en dollars", ont prévenu les économistes de la banque russe Alfa.
Pour les ménages, les conséquences de l'affaiblissement de la monnaie nationale sont déjà très concrètes. La hausse des prix approche 10% sur un an et promet de s'envoler encore. Les autorités ont vu ces derniers jours réapparaître les étiquettes en devises étrangères dans certains magasins, fréquentes dans les années 1990.
Seule réponse des autorités, banque centrale en tête: patience. A la télévision, la présidente de la banque centrale, Elvira Nabioullina a ainsi prévenu que le retour du rouble à un niveau conforme aux fondamentaux de l'économie "prendra du temps".
"Nous devons apprendre à vivre dans une nouvelle zone, nous orienter vers nos propres sources de financement et nos propres projets", a-t-elle ajouté.
L'ancien ministre des Finances Alexeï Koudrine, respecté des milieux financiers, a approuvé la hausse des taux mais prévenu qu'elle devait "être suivie de décisions du gouvernement pour augmenter la confiance des investisseurs pour l'économie russe".
- Récession -
Les économistes du cabinet londonien Capital Economics ont rappelé que la stratégie de la banque centrale avait un prix: "un nouveau durcissement des crédits pour les ménages et les entreprises et un recul plus profond de l'économie réelle en 2015".
Avec un taux directeur à 17%, un crédit immobilier sera ainsi désormais accordé avec un taux d'au moins 22%, a calculé le site Lenta.ru, un niveau difficile à tenir par des ménages au pouvoir d'achat malmené par la hausse des prix.
Si le gouvernement prévoit déjà une récession (-0,8%) l'année prochaine après une croissance autour de 0,6% cette année, la banque centrale avait prévenu lundi que si les cours du pétrole restaient à leur niveau actuel, autour de 60 dollars le baril, le produit intérieur brut pourrait chuter d'au moins 4,5%.
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