Le rouble a repris mardi sa descente aux enfers malgré les mesures radicales prises par la banque centrale de Russie, mettant en lumière l'impuissance de Vladimir Poutine à juguler une crise aux conséquences dramatiques pour la population.
L'effondrement de la monnaie russe d'une ampleur plus vue depuis la grave crise financière de 1998 est la conséquence directe des sanctions économiques décrétées par les Occidentaux pour punir l'attitude du président russe dans le dossier ukrainien et de la chute vertigineuse des cours du pétrole.
Le plongeon historique du rouble a créé des inquiétudes sans précédent depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 1999. Le chef de l'Etat, boudé par les Occidentaux mais toujours populaire dans son pays, doit passer jeudi un grand oral devant des centaines de journalistes russes et étrangers qui devrait faire la part belle à la situation économique que certains experts ou opposants libéraux n'hésitent pas à comparer à une "pré-faillite" de la Russie.
"La situation dans le pays est complètement instable, cela fait très peur", s'est désolé Ioulia, interrogée devant une banque de Moscou où s'est formée une file d'attente. "J'ai peur qu'on retourne à la situation des années 1990".
Après sa chute de près de 10% lundi, un choc d'une ampleur plus vue depuis 15 ans, le rouble a perdu près de la moitié de sa valeur face au dollar depuis le début de l'année. La situation échappant désormais à tout contrôle, la banque de Russie a annoncé au milieu de la nuit, fait exceptionnel, une hausse de 6,5 points de son taux directeur à 17%, contre 10,5% auparavant et 5,5% au début de l'année.
Mais le soulagement aura duré moins de deux heures sur les marchés. En rebond de 5% à l'ouverture, le rouble a replongé ensuite à de nouveaux records de faiblesse, l'euro s'envolant à 83,23 roubles et le dollar à 66,99 roubles.
Dans la foulée, l'indice boursier moscovite RTS, qui avait chuté de 10% lundi, cédait à la mi-journée 6,5%.
- Appels à la patience -
Si la décision de la banque centrale répond à certaines inquiétudes du marché, "le principal problème est de regagner la confiance de la population, qui convertit de plus en plus ses économies en dollars", ont prévenu les économistes de la banque russe Alfa.
Pour la population, les conséquences de l'affaiblissement de la monnaie nationale sont déjà très concrètes. La hausse des prix approche déjà 10% sur un an et promet de s'envoler encore. Les autorités ont vu ces derniers jours réapparaître les étiquettes en devises étrangères dans certains magasins, fréquentes dans les années 1990.
Seule réponse des autorités, banque centrale en tête: patience. A la télévision, la présidente de la banque centrale, Elvira Nabioullina a ainsi prévenu que le retour du rouble à un niveau conforme aux fondamentaux de l'économie "prendra du temps".
L'ancien ministre des Finances Alexeï Koudrine, respecté des milieux financiers, a approuvé la hausse des taux mais prévenu qu'elle devait "être suivie de décisions du gouvernement pour augmenter la confiance des investisseurs dans l'économie russe".
- Récession -
Les économistes du cabinet londonien Capital Economics ont pour leur part rappelé que la stratégie de la banque centrale avait un prix: "un nouveau durcissement des crédits pour les ménages et les entreprises et un recul plus profond de l'économie réelle en 2015".
Avec un taux directeur à 17%, un crédit immobilier sera ainsi désormais accordé avec un taux d'au moins 22%, a calculé le site Lenta.ru, un niveau difficile à tenir par des ménages au pouvoir d'achat malmené par la hausse des prix.
Si le gouvernement prévoit déjà une récession (-0,8%) l'année prochaine après une croissance autour de 0,6% cette année, la banque centrale avait prévenu lundi que si les cours du pétrole restaient à leur niveau actuel, autour de 60 dollars le baril, le produit intérieur brut pourrait chuter d'au moins 4,5%.
Face à l'ampleur des événements, l'idée d'introduire des restrictions sur les mouvements de capitaux, rejetée pour l'instant par Vladimir Poutine, était de nouveau discutée, les analystes craignant que cela ne ruine la crédibilité de Moscou sur les marchés.
"La décision de la banque centrale confirme que M. Poutine continue de soutenir une politique orthodoxe de la part de la banque", avec des mesures monétaires plutôt que de restrictions sur le marché, a commenté Alexander Kliment, du cabinet d'experts en relations internationales Eurasia Group.
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