Pour la quatrième fois en moins de deux ans, une vingtaine de masques sacrés hopis ont été vendus aux enchères lundi à l'hôtel Drouot à Paris, malgré l'opposition de cette tribu amérindienne qui bataille en justice pour leur restitution.
La tribu des Hopis et l'association de défense des peuples aborigènes Survival International ont renoncé cette fois à contester la vente, préférant engager une procédure judiciaire pour obtenir l?identité des vendeurs et acquéreurs de ces masques, selon leur avocat, Me Pierre Servan-Schreiber.
La vente de 250 lots d'art amérindien, eskimo et précolombien, organisée par la maison Eve, s'est déroulée sans incident, mais le commissaire priseur, Me Alain Leroy, a fait évacuer deux personnes avant le début des enchères, estimant qu'elles perturbaient la vente.
Devant l'hôtel Drouot, trois militants arboraient des pancartes affirmant notamment "Nous ne sommes pas à vendre" ou "Stop au génocide culturel".
Trois représentants d'une autre tribu, les Navajos, dont des masques étaient aussi mis à l'encan, assistaient à la vente. Ils ont pu racheter la totalité de ces pièces, dites Yeibechi, pour des sommes ne dépassant pas les 1.500 euros par lot.
"Nous sommes heureux de rapporter chez nous ces masques sacrés qui vont êtres purifiés par nos chamanes qui décideront quand ils seront utilisés pour nos cérémonies d'hiver", a déclaré à l'AFP Rex Lee Jime, vice-président de la nation navajo, qui compte quelque 200.000 individus répartis en Arizona et dans les Etats du Nouveau-Mexique, d'Utah et du Colorado.
- 'Sans masques, plus de tribu' -
Les masques hopis ont, eux, été rachetés par des acquéreurs anonymes. Un rarissime "heaume à double étage" a été adjugé 87.500 euros avec les frais, l'enchère la plus élevée. Il avait appartenu à Adélaïde Mesnil, fondatrice du musée d'art moderne de Dallas dont l'époux était anthropologue.
Estimé entre 6.000 et 8.000 euros, un autre masque, dont la décoration rappelle la peinture de Mondrian, a été acquis pour 63.125 euros.
C'est la quatrième fois depuis 2013 qu'une vente d'art amérindien de la société Eve est contestée par les Hopis, qui n'ont encore jamais obtenu gain de cause. Comme les fois précédentes, le Conseil des ventes volontaires (CVV), autorité de régulation des enchères, a considéré que cette vente était légale.
L'avocat des Hopis estime que certains masques ont pu être "exportés frauduleusement pour être vendus en France", ce qu'une loi américaine interdit depuis 1990. D'où son action devant la justice pour obtenir l'identité des vendeurs ou des acheteurs.
Une demande rejetée par le commissaire-priseur. "Cela reste du domaine privé", a jugé Me Leroy.
La requête des indiens hopis avait reçu le soutien de l'ambassade américaine à Paris, qui souhaitait voir la vente suspendue. "Les indiens aimeraient savoir où les vendeurs se sont procurés les masques, de manière légale ou pas, et s'il existe un moyen pour les rendre à leurs tribus", a dit Philip Frayne, ministre conseiller aux Affaires culturelles.
La tribu Hopi de l'Arizona compte environ 18.000 membres. Portés par des danseurs lors de cérémonies religieuses généralement interdites aux blancs, ces masques traditionnels sont considérés comme des êtres vivants par les Indiens.
"Le ciment de la société hopie, c'est leur croyance, qui est monothéiste, et la place fondamentale qu'ont ces masques", a assuré Me Pierre Servan-Schreiber. "Sans ces masques, il n'y a plus de tribu. Ils sont consubstantiels à leur peuple."
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