Film sensible sur l'angoisse du temps qui passe pour une actrice, "Sils Maria" d'Olivier Assayas, avec Juliette Binoche et Kristen Stewart, a été récompensé lundi par le Prix Louis-Delluc, considéré comme le "Goncourt du cinéma".
"C'est l'un des plus beaux prix de cinéma, donc je suis très touché", a réagi Olivier Assayas, interrogé par l'AFP après l'annonce du palmarès. "Je le partage aussi avec Juliette Binoche car c'est un film de comédienne", a-t-il ajouté.
En compétition officielle lors du dernier festival de Cannes, "Sils Maria" était reparti bredouille, malgré un très bon accueil critique. Créé en 1937, le prix Louis-Delluc récompense le meilleur film français de l'année et est attribué par un jury composé d'une vingtaine de critiques et personnalités, sous la houlette de Gilles Jacob, qui a présidé jusqu'à cette année le Festival de Cannes.
En lice notamment avec "Adieu au Langage" de Jean-Luc Godard, "Timbuktu" de Abderrahmane Sissako et "Saint Laurent" de Bertrand Bonello, "Sils Maria" succède à "La Vie d'Adèle" d'Abdellatif Kechiche, désigné l'an dernier après son sacre à Cannes.
Dans ce film, où les Alpes suisses tiennent lieu d'écrin intemporel, Juliette Binoche campe Maria Enders, une actrice quadragénaire confrontée aux affres du temps qui passe.
A 18 ans, Maria a connu le succès au théâtre en incarnant Sigrid, jeune fille ambitieuse au charme trouble qui fascine et conduit au suicide une femme mûre, Helena. Vingt ans plus tard, à la mort de l'auteur de la pièce, un metteur en scène propose à Maria Enders de la reprendre, mais cette fois en incarnant le rôle d'Helena. Maria hésite, mais finit par accepter.
- La fin du monde -
Pour le préparer, Maria est aidée par sa jeune assistante Valentine, jouée par une étonnante Kristen Stewart qui, après "Twilight", prend de l'épaisseur avec ce rôle. Le film explore les relations d'amour-jalousie entre les deux femmes.
Juliette Binoche a confié s'être "beaucoup amusée" pour incarner son personnage, pris dans ce troublant jeu de miroirs. "Les acteurs ne peuvent pas jouer toujours les mêmes rôles: plus on vit et plus se creusent en nous les questions essentielles, c'est comme une glaise qu'on malaxe".
Pour Gilles Jacob, "il y avait beaucoup de raisons pour récompenser +Sils Maria+. La mise en scène est particulièrement élégante et fluide. Toutes les qualités étaient rassemblées pour faire un beau prix Louis Delluc", a-t-il ajouté à l'AFP.
Le prix Louis-Delluc du premier film a récompensé "Les combattants" de Thomas Cailley. "L'unanimité est arrivée en moins de cinq minutes, c'est rare pour un premier film. J'ai grand espoir pour la suite de son réalisateur", a souligné Gilles Jacob.
Comédie existentielle, "Les Combattants" met en scène Arnaud (Kevin Azaïs) croisant la route de Madeleine (Adèle Haenel) qui a une intime conviction: la fin du monde est proche. Elle entraîne Arnaud dans un stage commando.
"C'est un trajet qui prend la forme d'un dépouillement", a expliqué le réalisateur Thomas Cailley, bouleversant les codes de la narration dans ce premier long métrage.
Présenté à Cannes, en sélection de la Quinzaine des Réalisateurs, "Les Combattants" a été récompensé aussi par les prix de la SACD et de la Fédération internationale de la presse cinématographique.
Le Prix Louis-Delluc est un hommage au critique de cinéma dont il porte le nom. Disparu à l'âge de 33 ans en 1923, ce journaliste, le premier à exalter le cinéma en tant qu'art, est considéré comme le père spirituel de la critique cinématographique.
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