Pour l'Iranienne Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix 2003, la coalition menée par les Etats-Unis doit larguer des livres et non des bombes pour faire disparaître les jihadistes de l'organisation Etat islamique (EI).
Ancienne juge devenue militante des droits de l'Homme après la révolution islamique de 1979, exilée depuis 2009, Mme Ebadi est ce week-end à Rome pour le 14ème sommet des prix Nobel de la paix.
Après avoir passé la majeure partie de sa vie adulte à faire face à l'impact du fondamentalisme religieux pour elle, sa famille et son pays, elle se dit convaincue dans un entretien à l'AFP qu'il n'y a pas de solution militaire à ce problème toujours plus vif.
"Regardez toutes les années et tout l'argent qui ont été consacrés à la lutte contre les talibans. Est-ce qu'on les a éradiqués ? Malheureusement non", explique-t-elle.
"L'EI est comme une branche des talibans. Ce n'est pas seulement un groupe terroriste, c'est aussi une idéologie, et comme toute idéologie, elle doit être combattue aux racines. Si on détruit ces racines, elle ne se propagera pas", insiste cette avocate de 67 ans.
"Pour moi, ces racines sont l'illettrisme et le manque de justice sociale", ajoute-t-elle. "Plutôt que de leur larguer des bombes, nous devrions leur larguer des livres et construire des écoles: alors le fondamentalisme serait éliminé".
Mais pour Mme Ebadi, les pays occidentaux doivent reconnaître une part de responsabilité dans ce fléau qu'ils combattent sous de multiples formes: l'EI, Boko Haram au Nigeria, le chaos en Libye, le programme nucléaire iranien et le terrorisme qui atteint parfois les villes occidentales.
Des décennies d'ingérence au Moyen-Orient et de soutien à des dictatures corrompues, mais aussi les mauvais traitements et discriminations infligés à leurs minorités musulmanes sont autant d'ingrédients pour un cocktail explosif de ressentiment.
"On voit aujourd'hui que de nombreux Européens ont rejoint ce fondamentalisme (). Je pense que cela montre que beaucoup de musulmans de deuxième génération se sentent humiliés", explique la militante des droits de l'Homme.
Elle-même menacée dans son pays, l'avocate iranienne est désormais résidente américaine, même si son bureau est à Londres et qu'elle confesse avoir plutôt l'impression de passer 10 mois par an dans les aéroports. "Londres est l'endroit où je fais ma lessive"
Mais elle est décidée à maintenir son rythme effréné pour continuer de faire connaître la situation des droits de l'Homme en Iran, qui ne mobilise plus autant depuis que le présentable Hassan Rohani a remplacé Mahmoud Ahmadinejad à la présidence à l'été 2013.
"Beaucoup ont pensé que la situation allait s'améliorer avec son élection mais malheureusement cela n'a pas été le cas", regrette-t-elle. "Dans certains domaines, comme le nombre d'exécutions, elle a empiré".
Pour Mme Ebadi, l'explication est simple: "Tout le pouvoir reste aux mains du guide suprême l'ayatollah (Ali) Khamenei". "Rohani a fait des promesses qu'il n'avait pas l'autorité d'appliquer".
Mais "plus de 80% de la population en Iran est mécontente du gouvernement et de la manière dont vont les choses, alors le changement va certainement venir. Je ne peux juste pas prédire quand", insiste-t-elle.
En attendant, "il n'était pas possible pour moi de continuer mes activités en-dehors de l'Iran tout en vivant en Iran. Alors j'ai préféré rester dehors, où je peux être plus utile pour mon pays", explique-t-elle.
Pendant son exil, son mari et sa soeur ont été temporairement emprisonnés et tous ses biens, y compris un centre pour les droits fondé par son Nobel, ont été confisqués et mis aux enchères. Mais face à l'insistance de la Norvège, les autorités lui ont rendu sa médaille Nobel.
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