Après la prison ferme infligée à l'ex-maire de la Faute-sur-mer (Vendée) et à son adjointe pour la mort de 29 personnes lors du passage de la tempête Xynthia en 2010, certains élus locaux ont le sentiment d'être livrés à eux-mêmes dans la gestion de risques "bien trop lourds" à leurs yeux.
A l'image de plusieurs élus du littoral interrogés par l'AFP, l'Association des maires ruraux de France (AMRF) s'est émue du jugement "extrêmement sévère" du tribunal correctionnel des Sables-d'Olonne condamnant pour homicide involontaire René Marratier et Françoise Babin, respectivement à quatre et deux ans de prison ferme.
La justice leur reprochait notamment d'avoir approuvé la construction de maisons de plain-pied, sans un premier étage, malgré le risque important de submersion d'une digue censée protéger les habitations.
L'AMRF s'est étonnée que "toute la chaîne de responsabilité -- du demandeur de permis de construire aux différents acteurs du dossier -- ne soit pas concernée par ce jugement". Elle a appelé l'Etat à "revoir d'urgence" sa politique de prévention et à "aider les collectivités à mieux gérer l'espace avec des moyens humains et matériels".
"Ecoeuré et outré!", le maire UMP de Port-Vendres (Pyrénées-Orientales), Jean-Pierre Romero, résume le sentiment d'un grand nombre d'élus de petites communes, parfois victimes des situations héritées de leurs prédécesseurs. A Port-Vendres, par exemple, "des maisons ont été construites en zones inondables", explique M. Romero tout en soulignant qu'il n'est pas "celui qui a délivré ces permis de construire".
Sa commune de 4.000 habitants attend son classement en état de catastrophe naturelle depuis les inondations de fin novembre qui ont fait un mort dans la région. Instruit par cette douloureuse expérience, M. Romero dit avoir "fait annuler la construction d'un restaurant en zone inondable", car "il faut être strict". Mais à la Faute-sur-mer comme ailleurs, M. Romero pointe aussi du doigt la responsabilité des propriétaires: "les gens ont bien acheté les maisons, non?".
- Solidarité nationale -
Dans ce dossier, "l'Etat n'a pas fait son boulot!", tranche Albert Larrousset, maire UMP de Guéthary (Pyrénées-Atlantiques). Le président des élus du littoral de la Côte Basque dénonce à son tour la condamnation "tout à fait injuste" de ses collègues vendéens. "Les services de l'Etat ont laissé passer le contrôle de légalité, ils ont tout laissé faire, au lieu d'arrêter ces constructions".
"Si nous prenions en compte toutes les responsabilités qui nous incombent, nous ne serions jamais maires", ajoute l'élu basque. "Nous sommes toujours confrontés au même dilemme: respecter le principe de précaution tout en développant l'économie du village".
La "jurisprudence" des Sables-d'Olonne "ne résout rien", renchérit Lionel Quillet, maire de Loix, petite commune de 690 âmes, et président de la communauté de communes de l'Ile de Ré (Charente-Maritime) dont les digues ont considérablement souffert lors du passage de Xynthia en 2010.
"Le vrai problème, selon cet élu, c'est qu'entre le littoral fluvial et maritime, il y a aujourd'hui 18 millions de Français logés en zones inondables".
Or, à l'inverse de beaucoup d'autres pays confrontés aux mêmes caprices climatiques, la France "décentralise la prise en charge d'un risque bien souvent beaucoup trop lourde pour la seule commune", juge M. Quillet. "On peut dans ces conditions tout à fait imaginer une commune de 300 habitants se voir contrainte d'assumer l'entretien d'une digue estimé à 1 million d'euros", explique-t-il.
"Un élu seul, fut-il très connecté ou passionné sur ces questions, a besoin d'un certain nombre d'informations, et besoin aussi d'avoir la solidarité départementale, régionale et nationale qui s'applique", insiste Renaud Lagrave, conseiller municipal PS à Mont-de-Marsan mais surtout président du groupement d'intérêt public (GIP) Littoral Aquitaine.
"Je pense qu'on est aujourd'hui en train de montrer par A + B les limites de l'engagement d'un certain nombre de collectivités et d'élus face à des problématiques administratives, législatives et financières", estime M. Lagrave, qui demande un "choc de simplification administratif sur ces questions de littoral".
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