L'ancien maire de La Faute-sur-Mer (Vendée) et son ex-adjointe à l'urbanisme, jugés pour la mort de 29 personnes lors du passage de la tempête Xynthia en 2010, ont été condamnés vendredi à respectivement quatre et deux ans de prison ferme.
Le tribunal est allé au-delà des réquisitions du ministère public qui avait requis le 15 octobre quatre ans de prison, dont trois ferme, à l'encontre de René Marratier, maire de la commune de 1989 à 2014 et toujours conseiller municipal.
René Marratier a aussitôt annoncé son intention de faire appel, se disant "très atterré" par sa condamnation "injuste", assurant être "le lampiste, bouc-émissaire de la situation".
Pour Françoise Babin, ex-adjointe à l'urbanisme, présidente de la commission d'urbanisme, par ailleurs promoteur immobilier et propriétaire de nombreux terrains sur la commune, le ministère public avait requis une peine de trois ans de prison, dont deux ferme, et 50.000 euros d'amende.
Elle a finalement été condamnée à 75.000 euros d'amende en plus des deux ans de prison ferme.
Le tribunal correctionnel des Sables-d'Olonne a estimé que les anciens élus connaissaient parfaitement les risques d'inondation dans la station balnéaire mais avaient "occulté ce risque pour ne pas entraver la manne de ce petit paradis".
Le tribunal a évoqué dans cette affaire "un manque de sérieux et de rigueur professionnelle" de la part des services décentralisés de l?État, mais pas une faute caractérisée. Et de préciser qu'au final "l?État ne pouvait pas se substituer au maire de La Faute-sur-Mer".
Ce dernier "a choisi en toute liberté de passer outre le risque", selon le tribunal qui estime que les élus connaissaient les risques, mais "ont parié que le risque connu ne se réaliserait pas".
Le passage de la tempête Xynthia à La Faute-sur-Mer a fait 29 morts, essentiellement des personnes âgées, ainsi que de jeunes enfants, dans la nuit du 27 au 28 février 2010.
La plupart des victimes ont péri noyées dans des maisons de plain-pied, qui auraient dû comporter un étage en raison du risque de submersion de la digue censée protéger leurs habitations.
- "Procès en sorcellerie" -
"C'est un procès en sorcellerie qui est fait, qui ne correspond pas à la réalité des faits", a déclaré vendredi Me Didier Seban, l'un des avocats de René Marratier, ajoutant que c'est une "décision déraisonnable".
"Le tribunal voulait condamner M. Marratier, c'est ce qui ressortait des déclarations du président dès le premier jour. Il l'a condamné à la fin, comme s'il n'y avait pas eu d'audience", a-t-il ajouté.
"C'est une peine qui n'a jamais été prononcée pour des délits non intentionnels" à l'encontre d'un élu local, a ajouté Me Antonin Lévy, autre avocat de M. Marratier.
"L'important, c'est d'avoir fait condamner. Le plus accablant, c'est l'analyse du tribunal", a souligné Me Corinne Lepage, avocate de l'association des victimes et de plus de 120 parties civiles. "L?État a commis des erreurs, mais ces erreurs étaient accessoires et sans conséquences si les élus avaient joué leur rôle", a-t-elle résumé.
Deux autres prévenus étaient également jugés pour "homicides involontaires".
Le fils de l'ex-adjointe à l'urbanisme, Philippe Babin, poursuivi pour ne pas avoir organisé de surveillance de la digue la nuit de la tempête, a, lui, été condamné à 18 mois de prison ferme, tandis que le seul représentant de l?État, Alain Jacobsoone, accusé de ne pas avoir prévenu le maire de La Faute-sur-Mer des dangers de Xynthia, a, lui, été relaxé.
Pour le tribunal Alain Jacobsoone n'avait "qu'une connaissance lointaine des risques d'inondation à La Faute-sur-Mer", tout comme pour la "fragilité de la digue".
Deux sociétés de BTP locales ont aussi été poursuivies comme personnes morales: l'une a été relaxée, l'autre a été condamnée à 30.000 euros d'amende.
Le jugement a été prononcé dans le même centre des congrès aménagé en salle d'audience où se sont tenus les débats pendant cinq semaines à partir de la mi-septembre.
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