Deux députés, l'un de la majorité, l'autre de l'opposition remettent ce vendredi à François Hollande un rapport prévoyant de nouveaux droits pour les patients en toute fin de vie mais qui risque de mécontenter les pro comme les anti euthanasie.
Mandatés en juin par le Premier ministre sur ce sujet délicat qui divise la société, les députés Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP), auteur de l'actuelle loi sur la fin de vie, devraient proposer des mesures pour mieux tenir compte des souhaits des patients et leur assurer une "fin de vie apaisée". Mais sans aller jusqu'au suicide assisté ou à l'euthanasie, autorisés dans plusieurs pays européens.
"On meurt mal aujourd'hui en France", a estimé dans l'Obs Jean Leonetti, qui veut permettre "aux gens de partir doucement et sans souffrance".
Selon les deux parlementaires, le rapport qui sera remis au Président de la République sera accompagné d'une proposition de loi commune qui pourrait être présentée au Parlement l'an prochain.
La révision de la loi Leonetti était l'une des promesses de campagne de François Hollande qui avait, dès 2012, évoqué la possibilité pour toute personne "en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable" de demander à bénéficier d'une "assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité".
Mais les crispations et manifestations lors du débat sur le mariage homosexuel ont incité cet adepte de la synthèse à temporiser et à multiplier les avis et les rapports sur la fin de vie. Le chef de l'Etat insiste d'ailleurs depuis plusieurs mois sur la nécessité d'une démarche consensuelle.
En octobre, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) avait souligné l'existence d'un "profond clivage" dans l'opinion sur les questions du suicide assisté et de l'euthanasie.
Dans des interviews accordées aux médias ces derniers jours, les deux parlementaires se sont prononcés en faveur d'une "sédation profonde et continue" jusqu'au décès pour des patients en toute fin de vie, M. Leonetti refusant l'idée d'une "aide à mourir", susceptible d'être assimilée à une euthanasie.
Les discussions se sont poursuivies jusqu'à ces derniers jours pour définir les circonstances dans lesquelles cette "sédation profonde" pourrait être proposée.
- directives anticipées -
Dans son interview à l'Obs, M. Leonetti précise que la sédation "profonde et continue" devrait notamment permettre d'éviter la pratique du "stop ou encore" consistant pour certains services de soins palliatifs à endormir les patients en fin de vie pour les réveiller de manière périodique pour s'assurer notamment de leur consentement.
La loi Leonetti, qui régit depuis 2005 la fin de vie en France, interdit déjà l'acharnement thérapeutique et autorise l'arrêt des traitements lorsqu'ils sont jugés "disproportionnés".
Elle permet également l'administration dans certains cas précis d'antidouleurs pouvant aller jusqu'à "abréger la vie", mais elle reste globalement mal comprise et mal appliquée par les médecins.
La proposition de loi devrait également rendre plus contraignantes les "directives anticipées" - qui permettent depuis 2005 à chacun d'exprimer à l'avance son opposition à tout acharnement thérapeutique -.
Valables trois ans, ces directives sont très mal connues du grand public et n'ont actuellement pas de valeur contraignante pour le médecin.
Avant même la publication de la proposition de loi, des associations anti-euthanasie, rassemblées sous le sigle "Soulager mas pas tuer", ont manifesté mercredi au Trocadéro à Paris pour réaffirmer "que l'interdit de tuer doit rester le fondement très clair de la confiance entre soignants et soignés".
L'association ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité), qui revendique 58.000 militants pro-euthanasie, a pour sa part appelé à une manifestation vendredi après-midi près de l'Assemblée nationale pour "protester contre une loi Leonetti de gauche qui voudrait faire mourir de faim et de soif les patients arrivés en fin de vie". Elle met en avant la part des Français se disant favorables à l'euthanasie, qui dépasse régulièrement les 90% dans les sondages.
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