Non loin de Tombouctou tombé sous la coupe des jihadistes, le touareg Kidane et sa famille vivent paisiblement, nichés dans les dunes. Mais un événement tragique va les forcer à subir l'islam intransigeant de ces étrangers sans pitié.
"Timbuktu", qui sort mercredi, est signé du réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako. Seul film africain en compétition officielle à Cannes, il n'avait obtenu "que" le Prix du jury oecuménique mais avait enchanté la critique, par sa force et ses scènes tour à tour lyriques, tendres, brutales ou désespérées. Et parfois teintées d'un humour de l'absurde.
Le scénario est inspiré de faits réels: Tombouctou a bien été occupé pendant près d'un an en 2012 par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et Ansar Dine (Défenseurs de l'islam), qui ont laissé de profondes cicatrices - amputations, coups de fouet aux couples "illégitimes", aux fumeurs, brimades et humiliations - avant d'en être délogés par les forces françaises début 2013 via l'opération Serval.
Tombouctou, ville morte. Dans les rues de la ville ocre, baignées de la lumière du désert, des jihadistes armés d'AK-47 parlant l'arabe font régner la terreur: cigarettes et musique interdites, plus de football, gants, chaussettes et voile obligatoires pour les femmes, mariages forcés
Pour les habitants, des musulmans vivant en paix, le choc est rude. D'autant que les nouvelles règles édictées par ces hommes parlant l'arabe frôlent souvent l'absurde.
"Comment veux-tu que j'arrose mes poissons si je porte des gants ?", s'exaspère une vendeuse sur le marché, qui tient tête aux nouveaux hommes en armes.
- 'Combat silencieux' -
Dans une autre scène savoureuse, une patrouille de nuit traque de la musique qui s'élève d'un foyer, comme on chercherait un ennemi. Les combattants se rendent finalement compte qu'il s'agit de "louanges à Dieu et son prophète" "Je les arrête quand même ?", demande au chef, par téléphone, une jeune recrue.
D'autres, qui parlent entre eux de Zidane et Messi avec passion, condamnent quelques heures plus tard un jeune homme à 20 coups de fouet pour avoir joué au football. Les jeunes gens optent alors pour un match sans ballon, que le cinéaste filme comme un ballet classique.
Pour les offenses jugées plus graves, c'est la mort. "Où est le pardon, la clémence ? Où est Dieu dans tout ça ?", interpelle en vain l'imam local.
A l'écart de cette folie, sous leur tente en plein désert, Kidane (Ibrahim Ahmed), sa femme Satima (Toulou Kiki) et leur fille Toya vivent heureux en compagnie d'Issan, le petit garçon qui garde leur bétail.
Mais leur destin bascule quand un pêcheur voisin tue une des vaches de la famille. Kidane, en colère, commet l'irréparable et tombe entre les mains des jihadistes
Un fait divers survenu au Mali a décidé le réalisateur à écrire "Timbuktu", tourné dans la ville-oasis mauritanienne de Oualata, inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco.
"L'élément déclencheur a été la lapidation d'un couple non marié dans un village au nord du Mali" en juillet 2012, explique Abderrahmane Sissako. "Leur mise à mort fut diffusée sur internet et cette atrocité innommable s'est produite dans l'indifférence totale des médias et du monde".
Évoquant les autres sources d'inspiration de son film, Abderrahmane Sissako avait déclaré à Cannes, la voix cassée par l'émotion: "Je pleure à la place de ceux qui ont vécu cette réelle souffrance".
"Le vrai courage, c'est ceux qui ont vécu un combat silencieux. Tombouctou n'a pas été libérée par Serval. La vraie libération, c'est ceux qui chantaient au quotidien dans leur tête une musique qu'on leur avait interdite, ceux qui jouaient au foot sans ballon."
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