Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, de nouveau dans la tourmente après la deuxième salve du scandale LuxLeaks, a affirmé mercredi que la lutte contre l'évasion fiscale était une "nécessité absolue".
Plusieurs grands médias ont publié mardi soir de nouvelles révélations sur le système massif d'optimisation fiscale mis en place au Luxembourg lorsque M. Juncker était Premier ministre. "LuxLeaks2" vise notamment les groupes américains Skype, Walt Disney et Koch Industries des frères ultra-conservateurs Koch.
Ce rebondissement est intervenu quelques heures avant la prestation de serment solennelle de l'ensemble de la Commission Juncker devant la Cour de justice européenne à Luxembourg. Les membres de la Commission doivent s'engager à "exercer leurs responsabilités en totale indépendance et dans l'intérêt général de l'Union".
Le calendrier "n'est pas un hasard", a estimé M. Juncker à son arrivée à la Cour, en rappelant que la première vague avait eu lieu début novembre quelques jours seulement après sa prise de fonction. "L'harmonisation fiscale" est une "nécessité absolue", pour ne pas être "soumis à la seule volonté des groupes qui essaient d'échapper à l'impôt", a-t-il assuré. "Et je vais le faire"!
Mais il a reconnu dans un entretien au quotidien français Libération qu'il était "affaibli", car le scandale Luxleaks "laisse croire que j'aurais participé à des man?uvres ne répondant pas aux règles élémentaires de l'éthique et de la morale".
M. Juncker se défend en rappelant que 22 des 28 pays de l'UE pratiquent le "tax ruling", le rescrit fiscal qui permet à une entreprise multinationale de demander à l'avance à un pays comment sa situation fiscale sera traitée, dans un but d'optimisation fiscale.
Rappelant qu'une "taxation plus juste" figurait dans les priorités du programme de Jean-Claude Juncker, un porte-parole de la Commission a affirmé qu'il était "engagé à 100% dans la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales".
- 'Crédibilité entamée' ? -
"Je veux croire que ma crédibilité n'est pas entamée", a dit M. Juncker dans un entretien au journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ).
S'appuyant sur quelque 28.000 pages de documents obtenus par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), une quarantaine de journaux avaient révélé il y a un mois qu'entre 2002 et 2010, quand M. Juncker était Premier ministre, le Grand-Duché avait passé des accords fiscaux avec 340 multinationales, dont Apple, Amazon, Ikea, Pepsi, Heinz, Verizon et AIG, afin de minimiser leurs impôts, privant les autres Etats européens de milliards d'euros de recettes fiscales.
"LuxLeaks2" dénonce 35 nouvelles sociétés, parmi lesquelles Skype, Walt Disney, Koch Industries, mais aussi le canadien Bombardier ou Telecom Italia. Ces "rulings" ont été conclus entre 2003 et 2011.
Le gouvernement luxembourgeois a réagi en assurant "soutenir" la volonté de Commission européenne de présenter rapidement un projet de directive sur l'échange automatique d'informations en matière de "tax rulings". Le Grand-Duché affirme déjà pratiquer, "de manière spontanée ou sur demande, l'échange d'informations" avec d'autres pays, notamment la France et la Belgique.
Le mois dernier, M. Juncker s'était engagé à présenter rapidement une loi européenne sur ce sujet. Dans la FAZ, il évoque aussi "des réflexions" au sein de la Commission pour amener les entreprises à publier leurs accords fiscaux.
"Je ne suis pas l'architecte" du système, "mais je suis politiquement responsable", avait concédé en novembre celui qui fut Premier ministre du Luxembourg de 1995 à 2013. A peine entré en fonction, il a dû affronter une motion de censure déposée par les élus europhobes, qui a été rejetée par le Parlement européen.
M. Juncker a aussi promis qu'il n'interviendrait pas dans des enquêtes en cours visant son pays. La Commission européenne mène actuellement quatre enquêtes sur des "tax rulings", pour déterminer s'ils s'apparentent à des aides d'Etat illégales, dont deux concernent le Luxembourg pour des accords avec le géant américain d'internet Amazon et le groupe italien Fiat.
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