L'ancien Premier ministre socialiste, Lionel Jospin, une des figures les plus éminentes de la gauche française, va faire son entrée au Conseil constitutionnel, institution clef de la Ve République.
A 77 ans, il a été choisi par le président PS de l'Assemblée nationale Claude Bartolone pour remplacer le centriste Jacques Barrot, décédé brutalement le 3 décembre dans le métro parisien.
M. Jospin est nommé "pour cinq ans, pour finir le mandat de Jacques Barrot", a-t-on précisé à la présidence de l'Assemblée nationale.
Grand démocrate-chrétien et grand Européen, ce dernier avait été nommé en 2010 par Bernard Accoyer, prédécesseur UMP de "Barto" au perchoir, pour siéger au sein de l'institution présidée par Jean-Louis Debré.
Pour empêcher son arrivée au Palais-Royal, il faudrait une opposition des trois cinquièmes de la commission ad hoc de l'Assemblée.
Ce qui ne devrait pas arriver : les premières réactions à cette nomination sont favorables y compris dans l'opposition où on évoquait la légitimité de l'ancien chef de gouvernement (Christian Jacob, UMP), sa "droiture reconnue" (Philippe Vigier, UDI).
Manuel Valls, qui fut un collaborateur très proche de Jospin à Matignon, a marqué sa satisfaction. En déplacement à Prague, le Premier ministre a lancé : "Lionel Jospin s'est retiré de la vie politique mais ses réflexions, sa vision de la France, de la démocratie, des libertés, des droits, sont très importantes et sa voix sera, je n'en doute pas, utile, au Conseil constitutionnel, en toute indépendance bien sûr".
"C'est une grande personnalité de la vie politique et je trouve que c'est un beau parcours qu'il continue à faire et je remercie le président de l'Assemblée nationale d'avoir fait ce choix", a-t-il insisté.
Enarque féru d'Histoire et passé par le trotskisme, Lionel Jospin a un cursus impressionnant : ancien député, ancien ministre de l'Education, ancien chef de gouvernement, ancien Premier secrétaire du PS. Une grande ombre au tableau : il a échoué deux fois aux portes de l'Elysée.
Défaite glorieuse en 1995 quand il arrive en tête du premier tour alors que les socialistes avaient touché le fond aux législatives deux ans plus tôt. En 1997, il remporte les législatives anticipées par une dissolution catastrophique pour la droite, et vit une cohabitation combative avec son vainqueur de l'Elysée, Jacques Chirac.
Défaite humiliante en 2002 quand il est évincé du second tour par le dirigeant du FN, Jean-Marie Le Pen, en dépit d'un quinquennat à Matignon jugé plutôt réussi.
- 'confiance absolue en sa réussite' -
Dans son ouvrage "Je ne me tairai plus", Bartolone évoque cette page noire du socialisme français : "malgré les résultats, malgré la qualité de la gestion de l?équipe et du Premier ministre, nous n'avions pas de narration du pays et de la construction de l'avenir". Il relève que Jospin avait alors "une confiance absolue en sa réussite".
Marié à une intellectuelle de renom, Sylviane Agacinski, le socialiste aime lui aussi la réflexion, l'écriture (il vient de publier "Le mal napoléonien"). C'est à lui que dès juillet 2012, François Hollande, fraîchement élu président, confie une commission sur la rénovation de la vie publique.
Mais la mise en ?uvre de nombre de ses propositions se fait attendre : "parrainage citoyen" des candidats à la présidentielle, 10% de députés élus à la proportionnelle, meilleure représentativité du Sénat (qualifié par lui le 21 avril 1998 d'"anomalie démocratique").
Lionel Jospin est un fils spirituel de François Mitterrand - même si la place de fils préféré lui avait été ravie par Laurent Fabius. Il retrouvera au haut Conseil un fervent mitterrandien, Michel Charasse, qui n'était pas d'accord avec sa volonté d'"inventaire".
Le Conseil constitutionnel est composé de trois membres nommés par le chef de l'Etat, trois par le président de l'Assemblée, trois par celui du Sénat. Y siègent de droit les anciens présidents de la République mais seul Valéry Giscard d'Estaing figure sur le site du Conseil, puisque Jacques Chirac s'est éloigné de la vie publique en raison de son état de santé et que Nicolas Sarkozy s'est mis en retrait après le rejet de ses comptes de campagne.
Jospin sera donc le seul ex-Premier ministre à y siéger.
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