La retraite? Pas question. A 69 ans, le célèbre cuisinier français Joël Robuchon, chef le plus étoilé au monde, inaugure mardi à Bordeaux un nouveau restaurant, avec l'ambition d'accrocher trois étoiles de plus à un palmarès qui en compte déjà 28.
Une telle distinction serait un événement dans la cité du sud-ouest de la France, dont les vins prestigieux cherchent depuis des lustres leur pendant dans la restauration.
Il faut remonter à l'avant-guerre pour retrouver trace du dernier établissement bordelais triplement étoilé, Au Chapon Fin.
Joël Robuchon s'est associé pour l'aventure avec le mécène et poids lourd local du vin, Bernard Magrez, de neuf ans son aîné.
A un âge où beaucoup préfèrent jouir d'un repos mérité, les deux compères n'entendent jouer ni "petit bras" ni les "faux modestes". Objectif affiché: conquérir trois étoiles au prestigieux guide Michelin.
Tous deux se sont connus par un ami commun et "l'étincelle du respect mutuel" a aussitôt jailli, souligne à l'AFP Bernard Magrez, tandis que Joël Robuchon invoque "un homme qui comprend l'autre".
Les deux hommes ont bien des points en commun, en particulier de s'être fait à la force du poignet.
Originaire du Poitou (centre-ouest), fils de maçon et d'une mère au foyer, Joël Robuchon tourne vite le dos à une vocation religieuse et quitte le petit séminaire, où il avait pris goût à la cuisine en aidant à préparer les repas, pour entrer en 1960, à 15 ans, comme apprenti au restaurant Relais de Poitiers.
Attiré par les Compagnons du Tour de France, il adopte le nom de "Poitevin-la-Fidélité" et vit une aventure humaine marquée par le souci du travail bien fait -- "l'homme doit se réaliser par son travail", aime-t-il dire -- et la solidarité.
Meilleur ouvrier de France (MOF) en 1976, la suite est vertigineuse: première étoile Michelin en 1982, trois étoiles seulement deux ans plus tard et un total de 28 aujourd'hui dans le monde, de Tokyo à Las Vegas, dont trois restaurants trois étoiles.
Bernard Magrez, lui, après de modestes débuts de négociant en alcools, est un poids lourd du vin avec 40 domaines dans le monde, dont le vin-phare bordelais Château Pape Clément, un groupe pesant 600 millions d'euros.
Passionné d'arts, il est devenu un mécène reconnu. "La gastronomie est un art de grande tradition, l'art de recevoir à française", dit-il à l'AFP.
- 'Innovation, modernité et tradition' -
Pour Joël Robuchon, "l'idée de Bordeaux est liée à l'énorme potentiel, avec les foies gras de canard, les cèpes, les agneaux, les huîtres et, naturellement, les vins".
Fidèle à sa veste de cuisinier de couleur noire, le chef promet une cuisine "d'innovation, de modernité, mais aussi de tradition avec les plats emblématiques de la cuisine française".
Pour l'ouverture mardi soir de La Grande Maison sera servi "un repas de quatre services avec en plat principal du boeuf style Rossini, un Châteaubriand avec un foie gras cuits ensemble", le tout à partir de 100 euros.
Et ses plats-signatures seront présents: tarte friande aux truffes, oignons confits et lard paysan, foie gras de canard aux truffes cuit en cocotte lutée et au fumet de céleri, sans oublier la célébrissime purée de pommes de terre au beurre.
Pour réussir ce défi, "Poitevin-la-Fidélité" a fait venir de son trois étoiles Michelin de Las Vegas son complice depuis vingt ans, le chef japonais Tomonori Danzaki. La salle sera dirigée par le Basque Jean-Paul Unzueta, venu des restaurants étoilés de Joël Robuchon à Monaco.
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