Patrick Modiano, lauréat 2014 du Nobel de littérature, a exploré dimanche à Stockholm le rôle de l'écrivain, témoin distant de son temps, dans son discours de réception du prix prononcé devant un public comblé.
L'écrivain de 69 ans était visiblement ému et très heureux de se trouver sous les ors de la majestueuse salle de la Bourse de l'Académie suédoise, devant un auditoire suédois sous le charme.
"Je viens de découvrir son ?uvre. Il écrit merveilleusement. C'est comme lire de la poésie sous forme romanesque", a confié à l'AFP Sandra Wigfors, une chargée de communication de 27 ans.
"J'aspire l'atmosphère. C'est de la culture au plus haut niveau. C'est un vrai honneur de rencontrer comme ça ceux qui créent", s'est émerveillée Ann Gill, une enseignante de 61 ans.
Invité d'un "Maestro, s'il vous plait" à prendre place sur la scène par le secrétaire perpétuel de l'Académie suédoise Peter Englund, le romancier s'est prêté à l'exercice sous le regard de sa famille.
- L'écrivain 'prisonnier de son temps' -
D'un ton d'abord hésitant, puis assuré, Modiano a exploré dans son discours l'essence du rôle de l'écrivain. "Prisonnier de son temps", il est marqué par sa perception de l'époque dans laquelle il est né et dans laquelle il vit.
Ainsi, Modiano se voit comme "un enfant de la guerre, (), un enfant qui a dû sa naissance au Paris de l'occupation". "Je crois que certains épisodes de mon enfance ont servi de matrice à mes livres, plus tard", a-t-il dit.
Il est aussi un écrivain du XXIème siècle qui, comme ses pairs, peut éprouver une certaine nostalgie vis-à-vis des romanciers du XIXème car "le temps s'écoulait d'une manière plus lente qu'aujourd'hui et cette lenteur s'accordait au travail du romancier car il pouvait mieux concentrer son énergie et son attention".
Selon lui, cela explique les différences entre "les grands massifs romanesques du passé (..) et les ?uvres discontinues et morcelées d'aujourd'hui".
"Les +réseaux sociaux+ entament la part d'intimité et de secret qui était encore notre bien jusqu'à une époque récente - le secret qui donnait de la profondeur aux personnes et pouvait être un grand thème romanesque", a-t-il poursuivi.
Le romancier refuse pourtant de condamner Internet et la culture de l'immédiat véhiculée par les réseaux sociaux.
"Je suis persuadé que les écrivains du futur assureront la relève comme l'a fait chaque génération depuis Homère" car, a-t-il affirmé, l'écrivain "exprime toujours dans ses ?uvres quelque chose d'intemporel".
- Somnambule, voyant, sismographe -
Tour à tour acupuncteur, somnambule, voyant, sismographe, tout auteur est aussi un artiste : Modiano a expliqué ressentir une parenté avec aussi bien les peintres - tel Modigliani -, que les musiciens qui, a-t-il dit, "me semblaient pratiquer un art supérieur au roman".
Récompensé pour "l'art de la mémoire avec lequel il a fait surgir les destins les plus insaisissables et découvrir le monde vécu sous l'Occupation" nazie, il estime que la mémoire est inséparable du travail du romancier.
"C'est sans doute la vocation du romancier, devant cette grande page blanche de l'oubli, de faire ressurgir quelques mots à moitié effacés, comme ces icebergs perdus qui dérivent à la surface de l'océan", a-t-il conclu.
"C'était fantastique. Je suis plein d'admiration. Mais tous ces applaudissements, il est si timide qu'il semblait embarrassé", a commenté Björn Ahlberg, un retraité de 70 ans.
Patrick Modiano est le quinzième auteur français à être couronné par un prix Nobel de littérature. Il recevra sa récompense mercredi des mains du roi de Suède Carl XVI Gustaf, en même temps que les autres lauréats 2014, à l'exception de ceux de la paix qui le reçoivent à Oslo.
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