Quelques jours après l'agression d'un couple visé en raison de ses origines juives à Créteil, le gouvernement a affirmé dimanche sa volonté d'ériger la lutte contre le racisme et l'antisémitisme en "cause nationale", face à un phénomène en recrudescence.
Dans un discours tenu lors d'un rassemblement de plusieurs centaines de personnes dans le quartier du port à Créteil, le ministre a affirmé "connaître le sentiment d'inquiétude qui traverse la communauté juive de France" face à l'antisémitisme, "véritable pathologie sociale" selon lui.
C'est dans ce quartier qu'un couple a été séquestré lundi dans son logement du quartier, la jeune femme violée et leur appartement cambriolé par trois agresseurs qui, selon des enquêteurs, "partaient de l'idée qu'être juif signifiait que l'on avait de l'argent".
Cette agression a provoqué un vif émoi dans pays et la communauté juive, le président François Hollande et le Premier ministre Manuel Valls appelant à la mobilisation.
Pour Bernard Cazeneuve aussi, "ce crime () n?est pas un simple fait divers. Derrière ce crime, il n?y a pas seulement un acte lâche, crapuleux et antisémite. Derrière ce crime, il y a un mal qui ronge la République et que nous devons combattre à tout prix".
"Nous devons faire de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme une cause nationale en y associant toutes les administrations intéressées (), les préfectures, les élus, les associations, les représentants des différents cultes", a-t-il affirmé.
"La République vous défendra de toutes ses forces parce que, sans vous, elle ne serait plus la République. La République vous protégera toujours contre des actes et des paroles qui portent atteinte au socle même des valeurs qui la fondent", a-t-il assuré.
Les actes et menaces antisémites ont augmenté "de plus de 100% au cours des dix premiers mois de l'année", selon le ministre, qui a notamment pointé le danger des "prêcheurs de haine" prospérant sur internet en raison d'"un sentiment d'impunité qui résulte de l'anonymat sur la toile."
- 'Les Juifs partiront en masse' -
Ces paroles fortes se veulent une réponse aux demandes de nombreuses associations juives ces derniers jours d'une mobilisation accrue de l'Etat face aux agressions à caractère antisémite.
"Si l'Etat ne fait pas de cette cause nationale une ardente obligation, les juifs partiront en masse et la France tombera entre les mains soit de la charia, soit du Front National", a solennellement prévenu dimanche le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Roger Cukierman, très applaudi par l'assistance.
Les 500.000 à 600.000 juifs de France forment la première communauté juive d'Europe et la troisième au monde, derrière Israël et les Etats-Unis. Mais pour la première fois, la France est devenue en 2013 le premier pays d'émigration vers Israël avec 4.566 migrants, un phénomène dû à une économie française en berne et un climat d'"antisémitisme décomplexé", selon des responsables juifs.
La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH, autorité indépendante créée par le gouvernement) a elle relevé "une baisse de la tolérance" en 2013 concernant les juifs, "pour la première fois" depuis 1990. Elle souligne la persistance d'"un certain nombre de clichés", en particulier par rapport à l'argent.
L'agression de Créteil en est une parfaite illustration, un symbole même pour les représentants de la communauté juive.
Selon l'une des victimes, les trois hommes auraient lancé: "De toute façon, les juifs, vous avez de l'argent". Ils sont également soupçonnés d'avoir roué de coups un septuagénaire de confession juive dans la même ville début novembre.
La France connaît un climat de crispation identitaire plus général: les actes visant les musulmans sont eux aussi en hausse de 12% de janvier à septembre 2014, selon l'Observatoire national contre l'islamophobie.
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