Peu habitués à battre le pavé avec des pancartes, plusieurs milliers de patrons sont descendus dans la rue lundi matin à Paris et Toulouse, en ouverture d'une semaine de mobilisation des chefs d?entreprises contre 30 années d'une politique qui a, selon eux, "bridé" l'économie.
Sifflets, pétards et mégaphones: les patrons qui défilaient lundi à Paris en direction du ministère de l'Economie étaient pourvus d'un attirail de manifestants aguerris pour leur premier cortège dans la capitale depuis quinze ans.
Selon le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises(CGPME), Jean-François Roubaud, qui appelait à la manifestation, dix mille chefs d'entreprises ont manifesté - 6.000 à Paris et 4.000 à Toulouse. Selon la police, ils étaient 2.200 dans la capitale et plus de 2.000 dans la ville rose.
A Toulouse, quelques chefs d'entreprise se sont symboliquement enchaînés devant la préfecture de Haute-Garonne, sous des pancartes proclamant "Artisans sacrifiés mais pas résignés", "Six entreprises de proximité meurent toutes les heures", ou encore "Impôts, taxes, charges, trop c'est trop".
A Paris, le cortège rassemblant des manifestants venant du nord de la France, de la Bretagne à la Bourgogne, s'est arrêté non loin du ministère de l'Economie, barricadé derrière plusieurs rangées de barrières métalliques et de gendarmes mobiles.
"PME cadenassées, libérez nos entreprises !", mais aussi "On ne s'est pas fait comprendre, on va se faire entendre", scandaient les hauts-parleurs, alors que le cortège était symboliquement ouvert par un char surmonté d'une grille les trois grandes confédérations patronales (CGPME, Medef et UPA) ayant appelé à une semaine de mobilisation pour "décadenasser" l'économie française.
Juché sur le char de tête, le président de la CGPME, Jean-François Roubaud, a demandé "la suspension immédiate" de trois mesures combattues par le patronat: le compte individuel de pénibilité, qui doit entrer en vigueur à partir de 1er janvier 2015, la durée minimum de 24 heures hebdomadaires pour les nouveaux contrats à durée déterminée et l'obligation d'informer les salariés au moins deux mois avant toute cession d'entreprise.
M. Roubaud s'est dit "très déterminé à aller jusqu'au bout" et à le faire savoir au ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, dont le nom a été copieusement sifflé par les manifestants parisiens.
- Contrôlés 'comme des gangsters' -
L'entrée en vigueur du compte pénibilité à partir du 1er janvier 2015 cristallisait le ressentiment des patrons, à l'image de Frédéric Corre, garagiste à Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor), qui estimait que cette mesure allait "contraindre énormément" les chefs d'entreprise.
"Ce dispositif, tel qu'il est mis en place, est inapplicable dans les petites boîtes. On n'aura jamais la possibilité de vérifier tous les critères" de pénibilité, a-t-il averti, disant redouter d'écoper d'amendes.
"Avec le pacte de responsabilité, effectivement, on va avoir des allègements de charges, mais ce qu'on aura d'un côté, on le perdra de l'autre", a-t-il ajouté.
Le gouvernement s'est engagé, au travers de son pacte de responsabilité, à diminuer de 40 milliards d'euros les impôts et les charges des entreprises, en contrepartie d'embauches et d'investissements.
Mais, pour le président du Medef, il y a un "ras-le-bol sur une fiscalité qui continue d'augmenter, contrairement aux promesses du pacte de responsabilité".
"Nous sommes asphyxiés par ces charges", a déclaré Pierre Gattaz lundi sur Europe 1, chiffrant la hausse de la fiscalité des entreprises à quelque 42 milliards d'euros sur la période 2010-2015, dont "21 milliards de la responsabilité de Sarkozy-Fillon et 21 milliards de la responsabilité de François Hollande et de ses gouvernements".
Le Medef, qui n'a pas appelé à manifester, a prévu cette semaine des réunions de militants et une campagne sur les réseaux sociaux. De son côté, l'UPA (Union professionnelle artisanale) va publier une lettre ouverte à François Hollande.
A Marseille, quelque 300 chefs d'entreprise se sont réunis non loin du port, à l'appel de plusieurs fédérations patronales. "Les professionnels de l'immobilier sont exaspérés par l?interventionnisme de l?Etat", a déclaré Eric Damerio, président de la chambre départementale de Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) des Bouches-du-Rhône, évoquant "une législation et une fiscalité assassines".
"On est poursuivis par des administrations qui nous contrôlent comme si on était des gangsters", a renchéri Pierre-Paul Alfonsi, président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) de la région Paca, ajoutant "l'Urssaf, c'est des racketteurs et la direction du travail, c'est l'extrême gauche".
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