Les dirigeants de la Francophonie réunis à Dakar ont désigné dimanche la Canadienne Michaëlle Jean comme nouvelle secrétaire générale de l'organisation, après d'intenses tractations qui ont coûté à l'Afrique un poste qu'elle a toujours détenu.
C'est l'incapacité des pays africains à s'entendre sur une candidature unique parmi les quatre prétendants du continent qui a permis à l'ex-gouverneure générale du Canada d'origine haïtienne, âgée de 57 ans, de s'imposer à la tête de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), selon les présidents sénégalais Macky Sall (l'hôte du sommet) et français François Hollande.
"J'ai proposé de nous retrouver à quelques-uns pour chercher un consensus", a dit M. Hollande. Ce "huis clos", a-t-il précisé, réunissait les représentants de deux pays présentant des candidats, le Premier ministre canadien Stephen Harper et le président congolais Denis Sassou Nguessou, ainsi que son homologue ivoirien Alassane Ouattara.
Les dirigeants africains ont consenti à la nomination de Mme Jean, première femme à occuper ce poste, après avoir fait le "constat d'une non-candidature unique africaine", a indiqué M. Sall.
Elle a été préférée à l'ex-président burundais Pierre Buyoya, l'écrivain et diplomate congolais Henri Lopes, l'ex-Premier ministre mauricien Jean-Claude de l'Estrac et l'ancien ministre équato-guinéen Agustin Nze Nfumu.
La cinquantaine de pays membres de l'OIF sont parvenus à ce consensus après des tractations difficiles, faute de favori, qui avaient laissé planer dimanche matin l'hypothèse inédite d'un vote.
Signe de l'incertitude régnant jusqu'à la fin des discussions, retardées d'environ deux heures par rapport au programme, le chevalet sur le podium où s'est tenue la conférence de presse finale a été modifié au dernier moment pour féminiser le titre de "secrétaire générale élue".
Mme Jean s'est réjouie d'apprendre que ce choix "a été accompagné d'un vrai consensus, ce qui traduit un gage de confiance pour mener et accompagner des objectifs très ambitieux".
Elle a également remercié pour leur soutien les gouvernements du Québec, du Canada, du Nouveau Brunswick et d'Haïti, et rendu hommage à l'ex-président sénégalais Abdou Diouf, qui lui cèdera les rênes de l'OIF en janvier, après 12 ans pendant lesquels il a donné à l'organisation un poids politique en jouant le rôle de médiateur auprès de ses anciens pairs africains.
- Héritage d'Abdou Diouf -
"Je mesure la tâche qui m'attend et je veillerai à prendre grand soin de l'héritage que nous lègue le président Diouf", a ajouté Michaëlle Jean.
"J'entends répondre aux besoins et aux attentes des Etats et gouvernements membres de l'OIF tout en donnant une nouvelle impulsion à la Francophonie", a-t-elle déclaré, plaidant pour une "Francophonie moderne et tournée vers l'avenir".
Une source diplomatique française avait fait état de "discussions intenses entre les chefs d'Etat au dîner à la présidence sénégalaise" samedi soir, pour tenter d'obtenir des désistements de candidats africains avant la réunion à huis clos dimanche, en vain.
Une règle non écrite voulait jusqu'à présent que le secrétaire général soit issu d'un pays du Sud - certains plaidaient même pour une chasse gardée africaine - et que l'administrateur vienne du Nord. Cette nomination signifie que l'actuel numéro deux, le Québécois Clément Duhaime, devra être remplacé par un représentant du Sud.
La chute fin octobre du président burkinabè Blaise Compaoré, que Paris et Abdou Diouf souhaitaient voir hériter du poste, selon le secrétaire général sortant lui-même, a pesé sur les discussions.
François Hollande avait salué la personnalité de Mme Jean avant son arrivée à Dakar, se défendant toutefois de jouer les faiseurs de roi.
"La France n'a pas de candidat", avait-il déclaré samedi, soucieux de rompre avec la "Françafrique" du passé.
Derrière la France, le Canada est le deuxième bailleur de l'OIF, qui représente 274 millions de locuteurs dans le monde, dont 54,7% d'Africains. Le poste de secrétaire général, pour un mandat de quatre ans, avait été créé en 1997 et successivement occupé par l'Egyptien Boutros Boutros-Ghali et Abdou Diouf.
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