Chaque année en France, un quart des nouveaux médecins ont été formés à l'étranger, principalement en Roumanie, Algérie ou encore en Belgique. Mais cet afflux ne règle pas l'épineuse question des déserts médicaux, prévient jeudi le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom).
"Depuis quatre ans, un médecin sur quatre nouvellement inscrit n'est pas diplômé d'une université française", a annoncé jeudi le Dr Patrick Romestaing, présentant les résultats de la première étude du Cnom sur "les flux migratoires et les trajectoires des médecins".
Le Conseil de l'Ordre a recensé 22.568 titulaires d'un diplôme étranger en France, un chiffre qui a augmenté de 60,2% de 2007 à 2014. Parmi eux, 19.044 sont "en activité régulière" (ni retraité, ni remplaçant), sur près de 200.000 médecins.
Si ces données excluent "la frange" de médecins étrangers exerçant dans des hôpitaux français sans être inscrits au tableau de l'Ordre, elles permettent quand même de dresser un portrait détaillé de ces praticiens.
Ainsi, hors Union européenne, les médecins diplômés à l'étranger ont majoritairement été formés en Algérie (55,6%), en raison des liens historiques unissant ce pays à la France, d'après le Cnom.
Viennent ensuite les médecins titulaires d'un diplôme syrien (10,6%), qui ont été 375 à rejoindre les rangs des praticiens en France depuis 2007. Un exode lié au conflit qui ravage la Syrie depuis plus de trois ans. Les diplômés provenant du Maroc (10,1%) arrivent en 3e position.
Côté européen, les effets de l'élargissement se font sentir, le nombre de personnes formées en Roumanie ayant augmenté de 520% depuis 2007, date de l'entrée de ce pays dans l'UE.
Les titulaires de diplômes roumains composent ainsi la majorité (40,9%) des diplômés européens, devant les diplômés belges (19,1%) et italiens (11,5%).
L'immigration de médecins roumains en France a commencé "avant 1989" et la chute du régime communiste, explique le docteur Calin Ciofu, vice-président de l'association des médecins roumains de France. "Mais depuis cinq, six ans il y a un exode massif", confirme-t-il.
"Comme le plombier polonais ou le maçon bulgare, ils viennent chercher une vie meilleure", résume-t-il. Il évoque de meilleurs salaires et conditions d'exercice qu'en Roumanie, où les médecins sont notamment confrontés à la corruption.
- Des médecins tentés par le salariat -
Des facteurs culturels expliquent aussi la prépondérance de médecins venus d'Italie, de Belgique et de Roumanie.
"Le grand avantage, c'est la langue française", très pratiquée en Roumanie, selon M. Ciofu, "s'ils ne la connaissent pas (les médecins, ndlr), ils peuvent l'apprendre très rapidement car le roumain est une langue latine, ce qui explique qu'ils préfèrent la France à l'Allemagne", par exemple.
Il serait tentant de voir dans cet afflux de médecins étrangers une solution à la pénurie de médecins, en particulier généralistes, sensible dans certaines régions. Il n'en est rien, assure pourtant le Cnom.
Car la majorité des titulaires de diplômes étrangers (62,4%) se tournent vers le salariat, en particulier le service public hospitalier, et délaissent l'ouverture de cabinet en libéral.
"Partout le salariat est prédominant dans des régions qui sont en difficulté comme la région Centre, la région Picardie, le Nord-Pas-de-Calais", détaille Patrick Romestaing. En Ile-de-France, où le manque de médecins généralistes s'accentue, seulement 23% des médecins formés à l'étranger exercent en libéral.
Autre constat soulevé par le Cnom: ce sont les régions déjà les mieux pourvues en offre de soins qui les séduisent le plus, à savoir l'Ile-de-France, Rhône-Alpes et Paca.
Ces médecins "veulent avoir un mode d'organisation qui fait que tout ne repose pas sur leurs épaules, partager leur exercice à plusieurs, disposer de temps, avoir une aide administrative", explique Patrick Romestaing.
"C'est le même souhait qui est partagé par les jeunes, qu'ils soient issus d'université française ou d'université situées ailleurs".
L'étude du Cnom ne détaille pas le nombre de Français qui partent étudier la médecine à l'étranger pour contourner le numerus clausus, un phénomène encore "marginal", selon Jean-François Rault, du Cnom, qui constate néanmoins que la Belgique est le pays le plus plébiscité en la matière.
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