Une exposition organisée à Paris par les pouvoirs publics, "La collaboration, 1940-1945", fait le pari d'en finir, documents inédits à l'appui, avec les clichés du "tous résistants" ou du "tous collabos" qui collent à ces années noires.
Parmi les pièces rares montrées aux Archives Nationales, dans le coeur de Paris (du 26 novembre au 2 mars), une feuille de papier très ordinaire, portant un texte tapé à la machine: la "Loi portant statut des juifs" (1940), corrigée au crayon et "durcie, dans ses annotations" par le maréchal Philippe Pétain, explique un des deux commissaires de l'exposition, l'historien Denis Peschanski.
D'autres documents donnent la mesure du discours ambiant de ces années-là: ainsi une lettre de Louis-Ferdinand Céline, qui sera condamné après la guerre pour collaboration avec l'Allemagne nazie, et qui félicite son confrère Lucien Rebatet, auteur le plus lu de l'époque, pour son dernier essai antisémite. Un ouvrage, écrit Céline, qui atteint "à la surabondante perfection infectieuse".
L'exposition, montée par les Archives nationales et le ministère de la Défense, "aborde tous les aspects de la Collaboration: politique, économique, culturelle, policière ou militaire", selon l'historien Thomas Fontaine, autre commissaire de l'exposition.
Des salles sont consacrées aux "trois ennemis communs idéologiques" désignés par le régime de Vichy: "les francs-maçons, les bolchéviques et les juifs", qui avaient fait l'objet de trois grandes expositions dans la France occupée.
"Il faut parler des gens ordinaires, il faut réfléchir à l'échelle de la société française, c'est ce que nous avons voulu faire par l'étude de très nombreuses archives", ajoute Thomas Fontaine. "Il faut analyser les comportements, et sortir de l'idée toute faite que tous les Français étaient résistants ou au contraire qu'ils étaient tous collabos".
- 'De la Collaboration à la Résistance' -
"Beaucoup de gens ont suivi des itinéraires qui sont allés de la Collaboration à la Résistance. On est souvent passé par une période d?accommodation ou d'adaptation, puis à une phase de résilience, avec cette capacité qu'avaient les gens à résister aux coups qui étaient portés", détaille Thomas Fontaine.
"On voyait par exemple des gens ordinaires assister aux funérailles d'un aviateur allié. Et là, on n'est pas dans la Résistance, mais on n'est plus dans la Collaboration".
Autre volet de l'exposition: la lutte armée d'étrangers contre les forces d'occupation allemandes. Ainsi du "groupe Manouchian", en région parisienne, dont les membres seront condamnés et exécutés par les Allemands.
"Voilà des étrangers qui se battent pour libérer la France, et qui sont arrêtés par des Français au service des Allemands", note Thomas Fontaine.
Mais en décortiquant ces années peu glorieuses de la Collaboration, les pouvoirs publics initiateurs de cette exposition ne risquent-ils pas d'être accusés de contribuer à l'auto-dénigrement ou au French bashing dénoncés par une partie de la classe politique ?
"Le temps a passé. Aujourd'hui, il est possible de porter ce regard historique sans que cela pose problème aux institutions de la République", répond Denis Peschanski.
"Pendant longtemps après la guerre, on s'est structuré sur la figure du héros (de la Résistance). Après les années 1980, c'est celle de la victime qui a prévalu. Nous entrons maintenant dans une autre période".
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