Une femme sur trois aura recours à une IVG dans sa vie. Quarante ans après sa légalisation, le recours à l'avortement est devenu un acte relativement courant mais des obstacles demeurent, contraignant encore des femmes à partir avorter à l'étranger.
Près de 220.000 interruptions volontaires de grossesse (IVG) ont été réalisées en France en 2012, chiffre "relativement stable depuis une dizaine d'années", selon la Drees, service statistiques des ministères sociaux.
Leur nombre aurait augmenté de 4,7% en 2013, sur fond de débat quant aux risques associés aux pilules de 3ème et 4e génération.
Depuis la loi Veil du 17 janvier 1975 qui a légalisé l'IVG, "aucun politique au pouvoir ne s'est hasardé à remettre en cause ce droit, contrairement à d'autres pays comme récemment l'Espagne où on a eu très peur", se réjouit Marie-Laure Brival, chef de service obstétrique à la maternité des Lilas (Seine-Saint-Denis).
En outre, "plusieurs évolutions sont intervenues, même si des mesures pourraient encore être prises pour que l'IVG devienne un droit comme un autre", souligne Nathalie Bajos, directrice de recherche à l'Institut français pour la santé et la recherche médicale (Inserm) et co-auteur d'un récent rapport sur le sujet.
La loi de 1982 a introduit le remboursement, celle de 1993 a créé un délit d'entrave à l'IVG, celle de 2001 a porté le délai légal de 10 à 12 semaines de grossesse, autorisé les médecins libéraux à réaliser des IVG médicamenteuses
Dernière évolution en date, la loi égalité hommes-femmes de 2014 a supprimé la notion de "situation de détresse" pour justifier d'une demande d'avortement.
D'autres recommandations d'un rapport du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes n'ont en revanche pas été suivies: la "clause de conscience", permettant à un médecin de refuser une IVG, et le délai obligatoire de 7 jours de réflexion pour la femme entre les deux premières consultations n'ont pas été supprimées.
En conséquence, "cette loi qui autorise mais en aucun cas n'oblige est appliquée de façon totalement aléatoire et selon le bon vouloir des professionnels", déplore Mme Brival.
- "Dérive vers le tout médicamenteux" -
"Dans de nombreuses structures, les femmes sont bien accueillies et il y a des équipes engagées", souligne Véronique Séhier, co-directrice du Planning familial. Mais "dans certains hôpitaux, des médecins renvoient les femmes sans forcément leur donner de solution ou ne pratiquent pas l'IVG entre 10 et 12 semaines" de grossesse.
Autre problème, la fermeture, "pour des questions de rentabilité financière", d'un nombre conséquent de structures, souligne le rapport du Haut conseil. "5% des établissements publics et 48% des établissements privés pratiquant l'IVG ont fermé ces dix dernières années, soit plus de 130 établissements au total".
En outre, "37% des gynécologues partiront à la retraite dans les cinq ans", alerte le Haut conseil, craignant "l'absence d'une relève militante".
Les difficultés d'accès à l'IVG dans certains territoires font que parfois le délai légal de 12 semaines est dépassé et un ultime recours est de se rendre dans un pays où les délais sont supérieurs, notamment aux Pays-Bas, en Espagne ou en Grande-Bretagne.
Selon Mme Séhier, ce phénomène est difficile à chiffrer mais peut être estimé à "entre 3.500 et 5.000" femmes chaque année.
Enfin, les femmes n'ont pas toujours le choix de la méthode d'IVG (chirurgicale ou médicamenteuse). Six IVG sur dix étaient réalisées en 2012 de façon médicamenteuse, selon la Drees.
Mme Brival affirme que "la plupart des services sont en train de dériver sur le tout-médicamenteux" jusqu'à 12 semaines de grossesse, alors qu'au-delà de sept semaines, cette méthode n'est pas recommandée par la Haute Autorité de Santé et peut être très douloureuse.
Mme Bajos déplore par ailleurs que la "légitimité" des femmes à demander une IVG reste, encore aujourd'hui, remise en question, la démarche étant parfois perçue comme "un échec" à maîtriser leur contraception.
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