Autour d'une marmite installée devant un ensemble d'immeubles délabrés des années 30, dans le centre d'Athènes, se rassemblent une vingtaine de Grecs, Afghans, Irakiens, Syriens, Bulgares, Iraniens ou Turcs.
Ce complexe d'architecture Bauhaus a été érigé dans les années 30 pour loger certains des centaines de milliers de Grecs expulsés de Turquie dans l'entre-deux-guerre.
Le Traité international de Lausanne de 1923, dernier acte de la Grande guerre, a imposé un échange obligatoire de populations civiles entre la Grèce et la Turquie, soit environ 1.300.000 Grecs de Turquie et 385.000 Turcs de Grèce.
La plupart sont partis depuis, mais d'autres vagues d'immigrants s'y sont succédé, donnant au complexe son surmom: "Ta prosfygika" (Les réfugiés). Depuis les années 90, la Grèce est devenue un pays d'immigration, porte d'entrée de l'Europe.
"C'est le rendez-vous du dimanche, la preuve qu'on peut aider nos compagnons en ces temps difficiles, une lutte contre l'aliénation", dit Lucas P. en versant les boîtes de jus de tomate sur les pâtes.
Employé de banque, Lucas participe bénévolement à la préparation de ce repas hebdomadaire pour une centaine de personnes, familles d'immigrés mais aussi depuis le début de la crise sans-abri grecs, qui squattent près de la moitié des 228 logements de 50 m2 de Ta prosfygika.
"On habite tous ensemble, les uns près des autres, les Grecs aident les enfants étrangers à apprendre la langue, on organise des fêtes, des projections des films, c'est comme une famille", dit Aras Hosien, 34 ans, un kurde d'Irak qui partage son appartement avec un Iranien de Shiraz (sud).
Le rez-de-chaussée d'un des immeubles est devenu une salle d'animation pour les enfants, au total une trentaine de 5 à 15 ans. Sur les murs, des peintures, des lettres de l'alphabet grec.
"Les enfants ont des difficultés à l'école et on essaie de les aider", explique Vaguélis, 31 ans, qui a squatté, comme d'autres Grecs, un de ces appartements il y a trois ans et reste membre de l'équipe de coordination des habitants.
Certaines familles d'immigrés restent deux ou trois ans, en transit de longue durée vers une autre destination, "une période perdue pour eux, ce qui est dommage pour les enfants qui se font des amis et apprennent la langue?, estime Vaguélis.
- Un terrain convoité -
Composé de huit blocs, le long d'une des artères centrales de la capitale, le complexe fait face au stade de football du Panathinaïkos, principal club d'Athènes. Ses façades décrépites attirent l'oeil au voisinage de la Cour suprême, de la Direction de la police, de grands hôpitaux.
"Ces bâtiments en pierre, avec des caractéristiques de style Bauhaus, étaient à l'époque la réponse grecque à l'habitat social", explique Yannis Polyzos, professeur d'urbanisme à l'Ecole polytechnique d'Athènes.
Déclarés patrimoine historique, ils ne peuvent pas être démolis, poursuit-il. L'Etat, qui possède une majorité des appartements, aimerait bien les céder pour tirer parti de leur valeur immobilière et renflouer ses caisses, d'autant qu'il n'a pas d'argent pour les restaurer.
L'ensemble de 1,5 hectare est l'un des terrains les plus convoités par les entrepreneurs.
La trentaine de propriétaires privés, descendants de réfugiés grecs, aimeraient bien vendre leur bien. Une minorité habite toujours là, les autres ont déménagé en attendant l'occasion de vendre leur appartement à de meilleurs prix.
"La situation est dramatique dans ces habitations abandonnées où les conditions sanitaires sont minimes", déplore un propriétaire ayant requis l'anonymat, qui habite ailleurs.
"Je ne suis pas raciste, je comprends que ces gens ont besoin d'habiter quelque part mais il faut que les autorités interviennent pour les faire sortir car ce complexe a une valeur énorme ", dit-il.
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