Le droit des notaires de choisir leur successeur a été validé vendredi par le Conseil constitutionnel, alors que le gouvernement souhaite réformer les règles d'installation de la profession, une décision aussitôt saluée par le Conseil supérieur du notariat.
Selon le Conseil, ce "droit de présentation" des notaires n'enfreint pas "le principe d'égal accès aux dignités, places et emplois publics" prévu par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, car ils exercent "une profession réglementée dans un cadre libéral" et non un "emploi public", régi par cet article.
Le Conseil supérieur du notariat (CSN), qui défendait le droit de présentation, s'est "réjoui" de le voir reconnu conforme à la constitution par les Sages, dans un communiqué.
"Ce droit de présentation est reconnu pertinent, car il permet d'une part à la chancellerie de s'assurer des qualités objectives du candidat notaire tenant à sa qualification, son honorabilité et l'équilibre économique de son installation, et d'autre part au cédant de s'assurer des qualités subjectives du candidat, nécessaires à la satisfaction du service de l'authenticité", affirme le CSN.
Le Conseil constitutionnel se prononçait sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), à la suite du recours engagé par un diplômé notaire parisien, Pierre Thiollet. "Nous sommes déçus, c'est une défaite", a réagi auprès de l'AFP son avocat, Me Jean de Calbiac.
"La décision est assez laconique, et nous constatons que le Conseil constitutionnel semble clairement dire que le notaire exerce un emploi privé. Si c'est le cas, pourquoi bénéficie-t-il d'un droit dérogatoire?", s'est-il interrogé.
Car de fait les Sages ne se sont pas prononcés sur l'un des arguments avancés par l'avocat, à savoir que si la profession de notaire est une activité privée, le "droit de présentation" enfreint la liberté d'entreprendre protégée par l'article 4 de la Déclaration de 1789.
- Indemnisation ou pas ? -
Pour M. Thiollet, la bataille juridique est loin d'être terminée : il a attaqué devant le tribunal administratif de Paris le refus, par la garde des Sceaux, de sa propre demande de nomination. Une audience est prévue le 19 décembre.
Ainsi le tribunal administratif peut-il considérer que "si le notaire est un emploi privé, n'importe quel diplômé notaire peut être nommé", estime Me de Calbiac.
"Nous étudions les incidences de cette décision au regard du droit communautaire", dit-il, précisant que la justice européenne pourrait être saisie.
Dans le cadre du projet de loi Macron sur l'activité, qui vient d'être transmis au Conseil d'Etat, le gouvernement souhaite donner aux jeunes notaires le choix entre racheter la charge d'un prédécesseur - dans le cadre de l'actuel système du droit de présentation - ou créer un nouvel office, là où ils le souhaitent.
Ce principe de libre installation pourrait toutefois être limité au cas par cas par le ministère de la Justice, s'il estime que l'arrivée du nouvel entrant pourrait menacer la survie d'études existantes.
L'une des questions en suspens est de savoir si les notaires déjà installés devront, ou non, être indemnisés par l'Etat, une indemnité que le CSN a chiffrée à 8 milliards d'euros.
Bercy l'exclut à ce stade, estimant en revanche que les nouveaux entrants pourraient, eux, avoir à verser une compensation, à condition que les professionnels concernés prouvent qu'il subissent bien un préjudice.
"Le droit de présentation a été reconnu conforme au droit constitutionnel : si le gouvernement maintenait le projet en l'état sur la liberté d'installation, il est sûr que cela pourrait donner droit à une indemnisation", a affirmé Pierre-Luc Vogel, président du CSN, à l'AFP.
"Il y aurait en effet une distorsion de concurrence entre ceux qui auraient été amenés à acheter des parts d'une étude et ceux qui s'installeraient librement", a-t-il estimé.
Le projet de loi sur l'activité doit aussi encourager une augmentation du nombre d'associés au sein d'une même étude.
Les 9.541 notaires exerçant en France, dont l'âge moyen est de 48 ans, réalisent un chiffre d'affaires annuel de 6,5 milliards d'euros, selon les chiffres du CSN arrêtés au 1er janvier.
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