En novembre, le vent de Movember fait frémir d'inédites moustaches. Par solidarité avec les maladies masculines, jeu ou pour se distinguer dans l'océan des barbes à la mode, de plus en plus d'hommes renouent avec les bacchantes de leurs aînés.
Le poil est de retour, ce n'est plus une nouvelle. Les barbes repoussent aux quatre coins du monde depuis déjà plusieurs années.
Mais les moustaches - mot que les puristes n'utilisent qu'au pluriel car "elles fonctionnent par paire", explique Alain Blackman, célèbre barbier parisien - étaient restées aux oubliettes, vestiges d'un autre temps incarné par Vercingétorix, Bismarck, Chaplin ou Salvador Dali.
Indémodables dans les pays arabes, en Inde et en Turquie, où leur forme traduit jusqu'à l'appartenance politique, elles n'avaient plus en Occident que de rares ambassadeurs: Freddy Mercury, Tom Selleck, José Bové
Pourtant depuis quelques années, quand vient novembre, les bacchantes réapparaissent. En France, pas moins de 25.000 moustachus se sont recensés sur le site français du mouvement Movember!
Lancé en Australie en 2003, le mouvement mondial Movember (contraction de "Mo", argot de moustache en Australie, et "november") use de la singularité des moustaches pour attirer l'attention sur les maladies masculines. Ses participants s'engagent à en porter durant un mois pour susciter les interrogations sur les cancers de la prostate et des testicules.
"J'ai été converti par un ami qui le faisait, j'ai trouvé que c'était joli. Il m'a expliqué ce qu'était Movember et comme j'arrive dans la tranche d'âge cible de ces maladies", raconte Arnaud Morand, un consultant de 43 ans.
"On se grime pour la bonne cause. Les femmes peuvent se maquiller mais pour les hommes, c'est plus compliqué, sourit-il. Et puis ça change. Aujourd'hui, plus personne ne se rase".
Le succès croissant de Movember suit le mouvement de balancier qui rythme l'histoire de la mode et voit aujourd'hui réapparaître les moustaches dans les milieux branchés.
- Ni lisse, ni dru -
"Il y a une réaction à la mode du hipster barbu. La barbe s'est rétrécie jusqu'à laisser apparaître la moustache", affirme Brice Compagnon, fondateur de Casting Office, agence de casting pour la mode et la publicité.
"Tout le monde a la barbe aujourd'hui, c'est une manière de se différencier", confirme Pierre-Marie Hellec, vendeur de vêtements de 25 ans qui a rasé sa longue barbe pour ne garder que quelques poils sous ses nouvelles moustaches.
"On est passé du lisse au poilu, et la moustache constitue un entre-deux entre le lisse féminin et le dru masculin", explique l'anthropologue Christian Bromberger, auteur de "Trichologiques, anthropologie des cheveux et des poils".
"A partir des années 1970, il y a eu une régression des signes ostentatoires de la virilité, un rapprochement de la distance entre le masculin et le féminin. La moustache est un symbole de virilité et il est possible qu'il y ait une certaine résurgence de la moustache pour montrer qu'il existe tout de même une différence."
Avec Movember, les moustaches restent récréatives. En crocs, en brosse, à l'anglaise, en fer à cheval Les possibilités de jeu sont nombreuses.
Celles en pyramide d'Arnaud Morand ont "un petit côté suranné": "Je ressemble un peu à mon papa qui était un grand porteur de moustaches, c'est aussi un hommage". Mais il ne les gardera pas pour autant le 1er décembre car "c'est beaucoup d'entretien".
"Sur novembre, il y a un +effet Movember+ mais on ne peut pas parler d'un retour de la moustache sur l'ensemble de l'année", estime Sébastien Pancol, barbier à Paris. "Et je ne pense pas que dans les années qui viennent, on reviendra comme au début du siècle où les moustaches étaient la normalité".
Tant mieux pour les moustachus: leur originalité restera intacte.
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