Par un matin humide et venteux, Bhumisara Upadhyay, mère de famille népalaise, rend visite à des femmes enceintes avec l'objectif de réduire la mortalité néonatale dans le pays himalayen, avec un simple tube de gel antiseptique.
Upadhyay est l'une des milliers de bénévoles participant à une campagne ayant permis de réduire spectaculairement les décès de nouveaux-nés au Népal, où deux-tiers des accouchements se font à domicile.
Selon les experts médicaux, la forte mortalité néonatale dans ce pays s'explique essentiellement par les infections contractées par le cordon ombilical, qui, une fois coupé, est traditionnellement enduit d'un mélange d'huile et de curcuma.
Les bénévoles essaient donc de changer ces habitudes en persuadant les femmes d'utiliser un gel antiseptique distribué gratuitement dans le cadre d'un projet lancé il y a trois ans avec le soutien financier de l'agence américaine de développement USAID.
Un an après l'introduction du gel, le nombre de morts de nourrissons avait chuté de 27% et l'initiative devrait être étendue à tout le Népal d'ici trois ans.
"Quand j'ai eu mes enfants il y a 20/25 ans, les bébés mouraient subitement et personne ne comprenait pourquoi. C'était comme de vivre dans un cimetière", dit Upadhyay, 42 ans, à l'AFP depuis son village de Badalamji, perché sur une crête dans le centre-ouest du Népal.
"Nous disions alors que c'était bien d'avoir beaucoup de bébés parce que la moitié mourrait avant de savoir parler".
Mariée avant la puberté à un homme qui avait 22 ans de plus qu'elle, Upadhyay n'avait que 17 ans à la naissance de son premier enfant, venu au monde après huit jours de travail. Sa petite fille a survécu mais d'autres n'ont pas cette chance.
"Les gens utilisent des faucilles sales pour couper le cordon et appliquent de la bouse de vache, de l'huile et du curcuma sur la plaie", explique Rambha Sharma, sage-femme à l'hôpital de Kohalpur, pionnier dans l'utilisation du gel antiseptique.
"Les bébés contractent des infections potentiellement mortelles comme le tétanos néonatal à cause de ces pratiques traditionnelles", ajoute-t-elle.
Antiseptique très répandu dans les pays développés, la chlorhexidine est le principal ingrédient du gel distribué gratuitement dans 47 des 75 districts du Népal.
Le gel, qui n'a besoin d'être appliqué qu'une seule fois, adhère à la peau et sèche en quelques minutes.
"La clé, c'est de l'appliquer juste après la naissance pour qu'il reste sur la peau pendant les 24 premières heures et protège les bébés, à ce moment très vulnérables aux infections", explique la sage-femme.
- Campagne de longue haleine -
Cela semble simple mais modifier les pratiques traditionnelles est un défi majeur.
De nombreux musulmans, minoritaires au Népal, ont commencé par refuser le gel, craignant qu'il ne s'agisse d'une ruse pour rendre infertiles leurs enfants, explique Leela Khanal, de l'organisation américaine John Snow, Inc qui dirige le programme.
"Il nous a fallu des mois pour les convaincre que cela protégerait leurs enfants", dit Khanal à l'AFP.
Les initiateurs du programme ont également dû venir à bout des superstitions entourant la naissance des nouveaux-nés dans les communautés hindoues de haute caste.
A chacune de ses quatre naissances, Upadhyay a été confinée avec son bébé dans un appentis pendant 11 jours jusqu'à ce qu'un prêtre vienne "purifier" la mère et son enfant.
"Personne n'était autorisé à me toucher car c'était tabou. Je lavais moi-même mes vêtements, je devais manger avec des couverts distincts et tout faire seule pour mon bébé", raconte-t-elle.
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