Il avait promis de prendre l'initiative face à l'inaction du Congrès: Barack Obama a offert jeudi soir une régularisation provisoire à quelque cinq millions de clandestins, sur un total de 11 millions vivant aux Etats-Unis sous la menace d'une expulsion.
"Une amnistie de masse serait injuste. Des expulsions de masse seraient à la fois impossibles et contraires à notre caractère", a expliqué le président américain lors d'une brève allocution solennelle depuis la Maison Blanche, promettant un système "plus juste et plus équitable".
Vent debout contre des décisions présidentielles qu'ils jugent anticonstitutionnelles, ses adversaires républicains ont immédiatement promis de les combattre, au Congrès ou en justice.
"Ce n'est pas comme cela que notre démocratie fonctionne", a tonné John Boehner, président de la Chambre des représentants. "Le président a dit qu'il n'était ni un roi, ni un empereur, mais il se comporte comme s'il en était un".
"Je n'ai qu'une réponse: votez une loi!", a lancé le président Obama à ses détracteurs, assurant que ses décisions reposaient sur de solides bases légales et qu'elles s'inscrivaient dans la lignée de celles prises par tous ses prédécesseurs, républicains comme démocrates, depuis un demi-siècle.
A partir du printemps prochain, tout clandestin vivant depuis plus de cinq ans aux Etats-Unis, et ayant un enfant américain ou titulaire d'un statut de résident permanent, pourra demander un permis de travail de trois ans. "Ce n'est ni une garantie de citoyenneté, ni un droit à rester ici de manière permanente", a cependant souligné M. Obama.
L'exécutif américain a par ailleurs annoncé un assouplissement des conditions d'accès au programme Daca ("Deferred Action for Childhood Arrival"), lancé en 2012, qui offre des permis de séjour aux mineurs arrivés sur le territoire américain avant l'âge de 16 ans. Quelque 600.000 personnes en ont déjà bénéficié à ce jour.
"Si vous remplissez les critères, vous pouvez sortir de l'ombre et vous mettre en accord avec la loi. Si vous êtes un criminel, vous serez expulsé. Si vous avez l'intention d'entrer illégalement aux Etats-Unis, vos chances d'être attrapé et renvoyé viennent juste d'augmenter", a résumé M. Obama.
- "Un pas dans la bonne direction" -
Depuis les régularisations massives de 1986, sous Ronald Reagan, toutes les tentatives de réforme du système d'immigration ont échoué. Début 2013, après la rédaction d'un projet de loi au Sénat par des ténors des deux partis, un compromis semblait possible. Mais la perspective d'un accord au Congrès s'est vite éloignée et les discussions sont dans l'impasse depuis.
"Merci au président d'avoir, face à l'inaction, choisi l'action sur l'immigration", a réagi Hillary Clinton sur Twitter. "Et maintenant, travaillons à une réforme bipartisane", a ajouté l'ex-secrétaire d'Etat qui pourrait bientôt se lancer dans la course à la Maison Blanche pour succéder à Barack Obama en 2017.
L'association DREAM Action Coalition a elle salué "un pas dans la bonne direction", tout en appelant à faire plus. "Quel sera l'avenir des millions d'immigrants sans papiers qui ne remplissent pas les critères?", a-t-elle demandé, regrettant que le président ne soit pas allé "aussi loin qu'il le pouvait légalement".
Le sénateur démocrate Luis Gutiérrez a loué le "courage" du président sur ce dossier politiquement sensible, tout en jugeant que ces mesures ne sauraient se substituer au vote par le Congrès d'une réforme en profondeur.
Le secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA), le Chilien José Miguel Insulza, a salué "le courage du président américain qui a décidé d'avancer vers un objectif juste qui ne mérite pas d'être repoussé d'avantage".
La tempête politique que cette annonce a déclenchée augure mal des relations entre le Congrès et la Maison Blanche dans les mois à venir. La donne politique vient en effet de changer à Washington, après la large victoire des républicains lors des législatives de mi-mandat du 4 novembre. Pour le sénateur du Kentucky Mitch McConnell, qui deviendra en janvier l'homme fort du Sénat, la démarche de M. Obama revient purement et simplement à "rejeter la voix des électeurs".
Désormais majoritaires à la Chambre des représentants comme au Sénat, les républicains ne peuvent bloquer un décret présidentiel, mais ils disposent de nombreuses armes pour rendre les deux dernières années d'Obama à la Maison Blanche difficiles.
Certains élus, tel le sénateur texan Ted Cruz, farouche opposant de M. Obama et candidat possible à sa succession, plaident ainsi pour une trêve des confirmations d'ambassadeurs, juges et responsables de l'administration nommés par le président américain, freinant ainsi le travail de l'exécutif.
Mais ce proche du Tea Party est loin de faire l'unanimité. Et à l'approche des primaires en vue de la présidentielle de 2016, le débat s'annonce animé au sein d'un parti qui aimerait séduire une partie de l'électorat hispanique, qui a voté à plus de 70% pour Barack Obama.
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