Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve s'est livré jeudi à une attaque d'une rare violence à l'Assemblée contre le chef de file des députés EELV François de Rugy, révélatrice de la tension entre lui et les écologistes depuis la mort de Rémi Fraisse.
Lors du débat sur la réforme territoriale en fin de matinée, M. Cazeneuve a accusé à trois reprises François de Rugy d'avoir depuis "des semaines" à son encontre de la "haine et de l'insulte à la commissure des lèvres" en faisant référence, sans les citer, à des propos de M. de Rugy, après la mort de Rémi Fraisse à Sivens (Tarn).
"Je vous ai entendu sur d'autres sujets (que la réforme régionale, ndlr) proférer des attaques que j'ai considérées comme indignes. Si vous voulez que je vous fasse la liste des propos que vous avez tenus sur mon compte qui relèvent de la diffamation, je peux les rappeler", a dit le ministre.
Les écologistes ont violemment critiqué l'attitude du gouvernement, et en particulier de M. Cazeneuve après la mort de Rémi Fraisse, l'accusant d'avoir cherché à dissimuler une partie des faits, ce que le ministre a toujours contesté.
M. de Rugy a notamment dit, dans différentes interviews, que M. Cazeneuve "n'était pas un bon ministre de l'Intérieur", que c'était "un homme très péremptoire" et qu'il avait "sali l'honneur de la gendarmerie".
Ce règlement de comptes public est intervenu au cours du débat en seconde lecture sur la réforme territoriale, déjà tendu par le vote de la nouvelle carte des régions la nuit précédente.
Un premier dérapage avait déjà eu lieu dans la matinée quand le député UMP des Côtes d'Armor Marc Le Fur avait jugé que la majorité "avait confirmé une décision du régime de Vichy" en n'incluant pas la Loire-Atlantique dans la Bretagne, provoquant l'indignation de la gauche.
- F. de Rugy dénonce 'le mépris' du ministre -
M. Cazeneuve a dénoncé ensuite ceux qui "se réfugient dans l'identité parce qu'ils sont dans la facilité de la pensée", dans une allusion à ces députés alsaciens ou bretons particulièrement remontés depuis deux jours.
Face aux protestations de M. de Rugy, député de Loire-Atlantique et farouche partisan du rattachement de ce département à la Bretagne, M. Cazeneuve s'est alors lancé dans sa tirade.
M. de Rugy a répondu dans l?hémicycle en dénonçant le "mépris" de M. Cazeneuve à l'égard de "ceux qui ne pensent pas comme" lui. "Moi, je respecte votre jacobinisme."
Il a ensuite jugé auprès de l'AFP que "Bernard Cazeneuve avait perdu ses nerfs, ce qui est inquiétant pour un ministre de l'Intérieur". "Il confond son orgueil personnel et son honneur, ce n'est pas très glorieux de régler ses comptes dans un débat à l'Assemblée", a-t-il déploré.
"Tous les gens qui me connaissent savent que je ne corresponds pas au portrait qu'il a tenté de dresser de moi et qui est sans doute devenu une obsession chez lui", a-t-il ajouté.
M. Cazeneuve a l'habitude de répondre assez vertement à l'opposition lorsqu'elle le met en cause dans l'hémicyle, ce qui lui vaut d'être décrit à droite comme "arrogant" et "orgueilleux". Mais s'en prendre à un chef de file de la majorité est assez inhabituel et un signe de la tension que subit le ministre depuis Sivens, où il estime être la cible d'attaques injustes.
"Dans l'histoire, ceux qui se sont moins interrogés sur la véracité des accusations qu'ils portaient que sur le bénéfice immédiat politique qu'ils pouvaient en tirer n'ont pas laissé grande trace. Dans les semaines qui viennent des éléments apparaîtront qui montreront qui a dit la vérité, qui a été insulté, qui a été bafoué dans sa dignité et dans son honneur", a-t-il lancé à M. de Rugy.
En tant qu'ancien député de la Manche dans la circonscription du site de retraitement des déchets nucléaires de La Hague (Manche), M. Cazeneuve a aussi un vieux contentieux avec certains écologistes, comme M. de Rugy et son homologue au Sénat Jean-Vincent Placé, qui voient en lui "le porte-parole du nucléaire au PS".
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