La transition civile à peine entamée au Burkina Faso, le lieutenant-colonel Isaac Zida, qui avait pris le pouvoir fin octobre à la chute de Blaise Compaoré, a été nommé mercredi Premier ministre, signe que l'armée va conserver toute son influence dans le jeu politique.
Ce maintien de l'armée au coeur du pouvoir a suscité une relative inquiétude de la société civile et un mécontentement parmi la plupart des habiatnts de Ouagadougou, interrogés par l'AFP.
Le président de la transition Michel Kafando "décide que () M. Yacouba Isaac Zida est nommé Premier ministre", selon un décret officiel lu à la presse.
Michel Kafando, dans un entretien à Radio France internationale (RFI) avait laissé entendre qu'il était prêt à ce que l'officier, inconnu il y a encore trois semaines, "puisse jouer un rôle essentiel dans la stabilisation" du pays, insistant sur "la place" nécessaire de l'armée dans la transition, au vu du rôle qu'elle a joué ces dernières semaines.
La désignation d'un militaire comme chef du nouveau gouvernement semble cependant contraire aux voeux affichés de la communauté internationale, qui souhaitait une transition strictement civile après la chute du président Blaise Compaoré, chassé par la rue le 31 octobre après 27 ans de règne.
Isaac Zida, numéro 2 de la garde présidentielle, avait alors soufflé le pouvoir au chef d'état-major des armées, qui s'était pourtant officiellement déclaré. "Il a fait un vrai coup d'Etat", remarquait un diplomate.
Au terme d'intenses négociations impliquant l'armée, les partis politiques et la société civile, une charte de transition avait été adoptée en fin de semaine et un nouveau président intérimaire désigné, Michel Kafando, chargé d'organiser des élections générales d'ici novembre 2015.
La désignation de Kafando, un diplomate expérimenté au profil de technocrate -soutenu par l'armée- avait été saluée par la majorité des Burkinabè.
- 'one man show' -
Celle du colonel Zida est en revanche diversement commentée.
"Il n'y a pas de problème que Zida soit à la Primature" sachant que la constitution intérimaire "n'interdit pas que le Premier ministre soit un militaire ou un civil", a commenté Ablassé Ouédrago, l'un des chefs de l'opposition.
"Nous sommes inquiets, mais pas plus que ça", a déclaré à l'AFP Me Guy Hervé Kam, porte-parole du Balai citoyen, un mouvement dont les capacités de mobilisation de la jeunesse ont compté dans la chute de Compaoré.
Sams'K le Jah, chanteur et co-fondateur du Balai citoyen, dit attendre ses actes pour juger Zida, et relève que, au pouvoir, des civils sont parfois "pires que des militaires".
"Il va falloir voir dans quelle mesure cette nomination est de nature à changer l'orientation de la transition", a commenté Siaka Coulibaly, politologue et membre de la société civile.
Mais pour Moussa Yabré, hôtelier de 29 ans à l'air triste, "la révolution vient d'échouer".
L'armée "veut nous voler notre lutte", peste Assane Ilboudo, étudiant de 25 ans.
Même écho chez Hama Ouédraogo, un fonctionnaire de 28 ans, qui dénonce "une confiscation du pouvoir qui ne dit pas son nom" par le lieutenant-colonel qui semble faire un "one man show".
Mais Véronique Kando, une commerçante de 36 ans, se réjouit: "Je le pressentais à ce poste. Il va continuer les balayages (limogeages)".
Car dans les faits, le nouveau Premier ministre avait déjà pris la main dans des domaines publics importants. Les patrons de la Société nationale burkinabè des hydrocarbures (Sonabhy) et d'électricité (Sonabel), proches du clan Compaoré, ont en effet été limogés "pour sabotage".
Ces mesures s'ajoutent à la suspension des conseils municipaux et régionaux, dans lesquels les pro-Compaoré étaient fortement majoritaires.
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