La réforme de l'appareil de surveillance américain a fait long feu: les républicains du Sénat américain ont bloqué mardi un projet jugé trop radical, mais qui était soutenu par Barack Obama, la Silicon Valley et les défenseurs des libertés individuelles.
Dix-sept mois après les premières révélations d'Edward Snowden, le camp réformiste au Congrès espérait voter d'ici la fin de l'année une réforme ambitieuse de l'Agence nationale de sécurité (NSA) afin d'en restreindre les capacités de surveillance aux Etats-Unis, et d'en accroître la transparence.
Leur texte avait le soutien d'une myriade d'ONG, d'élus et de géants de l'internet comme Google et Apple. Il aurait modifié le Patriot Act, adopté en urgence après les attentats du 11 septembre 2001, afin de mettre fin à des pratiques qui avaient estomaqué les Américains, à leur révélation en juin 2013.
La NSA aurait ainsi cessé de recueillir l'intégralité des métadonnées des appels téléphoniques passés aux Etats-Unis (horaire, durée, numéro appelé). Ses analystes auraient été obligés de démontrer, auprès d'un juge, un soupçon raisonnable et motivé d'un lien avec une entreprise terroriste étrangère pour obtenir les métadonnées et surveiller une cible spécifique.
Le texte renforçait aussi les règles d'audit et de transparence, et ajoutait un panel de défenseurs des libertés civiques au sein de la cour secrète chargée du renseignement.
Après avoir résisté, Barack Obama a entériné, lors d'un discours en mars, l'esprit de la réforme, et la Maison Blanche a fait savoir qu'elle soutenait le texte élaboré au Sénat. La Chambre des représentants avait adopté le 22 mai, à une large majorité, une version proche.
L'échec de mardi est révélateur des divisions persistantes de la classe politique américaine sur l'équilibre à trouver entre protection de la vie privée et sécurité nationale.
- Échéance de juin 2015 -
Quasi-unanimes, les sénateurs républicains estiment que le texte aurait trop affaibli la NSA, par exemple pour repérer aux Etats-Unis d'éventuels jihadistes liés au groupe Etat islamique (EI), que certains élus désignent ici par l'acronyme EIIL.
"Alors que les Etats-Unis mènent une campagne militaire pour affaiblir, démanteler et vaincre l'EIIL, ce n'est pas le moment d'examiner une proposition de loi qui supprime les outils dont nous avons besoin pour combattre l'EIIL", a déclaré le sénateur Mitch McConnell, chef du groupe républicain et organisateur du blocage.
Pour les détracteurs de la réforme, la nécessité d'obtenir préalablement une ordonnance judiciaire ralentirait le travail des analystes de la NSA. Ils dénoncent aussi l'alarmisme de l'autre camp.
Le républicain Saxby Chambliss a affirmé qu'il n'y avait eu "aucun cas" d'Américain dont la vie privée aurait été violée par la NSA; "cela ne s'est jamais produit".
La réforme était soutenue par de nombreux géants de l'internet, dont l'image avait souffert après la mise à jour du programme Prism d'espionnage des communications sur internet à l'étranger.
Une coalition d'entreprises du secteur (AOL, Apple, Dropbox, Evernote, Facebook, Google, LinkedIn, Microsoft, Twitter, Yahoo!) avait appelé dimanche dans une lettre à l'adoption du texte, qui les aurait autorisées à publier plus précisément le nombre de comptes de leurs clients surveillés par les autorités fédérales.
"C'était probablement la meilleure occasion de réformer le programme de métadonnées téléphoniques tout en maintenant la capacité du gouvernement à utiliser cet outil pour empêcher des attentats", a regretté Dianne Feinstein, présidente démocrate de la commission du Renseignement.
"Le blocage de la loi garantit que les programmes de surveillance de masse de la NSA continueront pendant encore au moins six mois, et potentiellement plus longtemps", a réagi le Center for Democracy and Technology.
Les républicains, qui contrôleront la majorité des deux chambres du Congrès à partir de janvier, auront toutefois à rouvrir le dossier. Un volet fondamental du Patriot Act (l'article 215) arrive en effet à expiration le 1er juin 2015. Le Congrès devra le renouveler d'ici là, ou le laisser expirer, ce qui mettrait brutalement fin à de nombreux programmes de surveillance de la NSA.
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