En choisissant dimanche l'"Allemand" Klaus Iohannis comme nouveau président, les Roumains ont exprimé leur soif de démocratie, mais la tâche s'annonce gigantesque pour le nouveau venu qui dit vouloir éradiquer le fléau de la corruption dans cet ancien pays communiste.
Klaus Iohannis, 55 ans, maire de Sibiu (centre) issu de la petite minorité allemande, a recueilli 54% des voix, infligeant un cinglant revers au Premier ministre social-démocrate Victor Ponta, donné grand favori du scrutin par tous les sondages.
Vingt-cinq ans après la chute du dictateur Nicolae Ceausescu, ce résultat est "historique" et représente "une victoire de la démocratie, une victoire du peuple contre le système dirigé par les partis politiques, dans leur propre intérêt", a indiqué à l'AFP le politologue Radu Alexandru.
Le scrutin était considéré comme crucial pour la Roumanie, pays le plus pauvre de l'Union européenne après la Bulgarie, mais aussi pour l'ensemble de la région d'Europe centrale, où la démocratie a subi des revers ces derniers temps, notamment en Hongrie, et où les tensions sont vives en raison de la crise ukrainienne.
"La Roumanie représente une exception positive, également par son choix d'un président membre d'une minorité ethnique", qui compte quelque 60.000 membres sur une population totale de 20 millions de Roumains, a-t-il estimé.
M. Iohannis est une personnalité atypique sur la scène politique: allemand de souche, protestant dans un pays à près de 90% chrétien orthodoxe, allergique aux polémiques et mal à l'aise devant les caméras.
- Pression populaire -
"M. Iohannis sera confronté à une pression populaire énorme, les Roumains attendent son implication active dans tout ce qui représente l'Etat de droit, mais ses prérogatives sont limitées par la Constitution", a encore jugé le politologue.
Mais moins de 24 heures après la fin du scrutin, cet homme décrit par ses proches comme "rigoureux et déterminé" a montré qu'il n'était guère disposé à faire machine arrière sur les promesses qu'il avait martelées tout au long de la campagne.
"J'appelle le parlement à tenir sa parole et à rejeter dès mardi la loi sur l'amnistie et à donner son feu vert à toutes les demandes de poursuites formulées par le parquet anti-corruption (DNA)" contre des élus, a-t-il lancé, après avoir échoué à obtenir l'accord de M. Ponta sur ces deux questions cruciales avant le scrutin.
Les deux hommes devront néanmoins cohabiter, le chef du gouvernement excluant une démission.
Le président élu a toutefois assuré que la cohabitation houleuse de ces deux dernières années entre le chef du gouvernement et le président conservateur sortant Traian Basescu ne se répètera pas.
"Le président devra être un contrepoids à la très forte majorité de gauche au Parlement", souligne de son côté le directeur du Centre roumain pour des politiques européennes Cristian Ghinea, soulignant que la Roumanie n'était pas prête "à donner le pouvoir absolu à un seul homme".
-Pas en arrière-
Pour l'analyste politique Radu Magdin, la victoire de M. Iohannis a représenté un "vote massif anti-Ponta", sur fond d'"irritation de l'opinion" devant le mépris des autorités à l'égard des trois millions de Roumains de la diaspora, dont des milliers ont été empêchés de voter.
Mais il ne s'agit là que de la goutte qui a fait déborder la vase, après plusieurs "pas en arrière" faits ces derniers mois par les sociaux-démocrates de M. Ponta en matière de respect de l'Etat de droit. M. Magdin cite notamment leur position ambigüe sur le projet de loi de l'amnistie, qui devrait aboutir à la mise en liberté d'hommes politiques ou de hauts magistrats condamnés pour corruption.
Les dizaines de milliers de Roumains descendus dans la rue entre les deux tours de l'élection présidentielle ont crié leur ras-de-bol devant une classe politique "corrompue" et encouragé le Parquet anti-corruption (DNA) à continuer son travail courageux contre ce fléau.
Depuis des mois, la majorité au Parlement bloque des enquêtes du DNA sur de grandes affaires de corruption, dont celles visant des contrats onéreux octroyés aux géants EADS et Microsoft, en refusant de lever l'immunité de plusieurs élus sociaux-démocrates.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousA lire aussi
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.