Le Japon est retombé en récession au troisième trimestre, une débâcle surprise qui va probablement obliger le Premier ministre conservateur Shinzo Abe à reporter une nouvelle hausse de taxe et à convoquer les électeurs aux urnes deux ans plus tôt que prévu.
La troisième puissance économique mondiale était sortie du rouge dans les derniers mois de 2012, juste avant l'arrivée au pouvoir de M. Abe qui avait aussitôt lancé une ambitieuse politique de relance ("abenomics"), louée à l'étranger et populaire dans l'archipel. Mais la hausse, début avril, de la taxe sur la consommation a compromis la reprise bien amorcée et le combat de l'archipel contre des années de déflation.
Le Produit intérieur brut (PIB) a ainsi chuté de 0,4% entre juillet et septembre après une contraction de 1,9% au deuxième trimestre, selon des statistiques publiées lundi par le gouvernement. Aucun économiste n'avait prédit un tel scénario: la plupart tablaient sur une croissance de 0,5%.
Le ministre de la Revitalisation économique, Akira Amari, est aussitôt monté au créneau pour défendre les "abenomics": "ce n'est pas un échec", a-t-il assuré, d'après des propos rapportés par les médias.
"Le cycle positif de l'économie continue et nous ne pouvons pas résumer ces chiffres simplement par le terme de récession", a-t-il argué. Et d'ajouter que le PIB s'était inscrit en hausse de janvier à septembre (+0,5% comparé à la même période un an plus tôt).
Car l'année avait bien commencé. Après une croissance de 1,5% en 2013, le Japon avait poursuivi sur cette lancée au premier trimestre (+1,6%), sous l'effet d'une fièvre acheteuse momentanée des ménages en prévision de l'entrée en vigueur d'une "TVA" à 8% (contre 5% auparavant).
Depuis, ils se contentent de faire du lèche-vitrine. La consommation des particuliers est demeurée très faible au troisième trimestre (+0,3%) et l'investissement privé a reculé, tant du côté des foyers (achat de logements, -6,7%) que des entreprises (-0,2%), qui ont en outre fortement réduit leurs stocks, plombant le PIB (-0,6 point).
Ni la conjoncture internationale (les exportations sont restées peu dynamiques), ni les dépenses et investissements des pouvoirs publics n'ont suffi à inverser la tendance.
- Vers un nouveau geste de la BoJ? -
Devant de tels chiffres, qui ont fait plonger la Bourse (l'indice Nikkei cédait 2,59% à la mi-journée), et par crainte de voir l'archipel s'ancrer dans la récession, le chef du gouvernement devrait renoncer à une taxe à 10% en octobre 2015, comme la loi le prévoit pourtant dans le but d'enrayer la colossale dette publique.
"La décision du gouvernement de reporter cette mesure apparaîtrait raisonnable", a estimé Koichi Fujishiro, de l'institut de recherche Dai-ichi Life, joint par l'AFP.
"C'est le scénario le plus probable", a renchéri Takuji Aida, chef économiste à la Société Générale, cité par Dow Jones Newswires, jugeant que "c'était une erreur d'élever la TVA avant que l'économie ne sorte de la déflation".
Shinzo Abe, de retour lundi du sommet du G20 à Brisbane, va étudier ces données et consulter les experts qui ont planché sur le sujet avant d'arrêter son choix, a répété lundi le porte-parole du gouvernement, Yoshihide Suga.
M. Abe devrait annoncer dès mardi la dissolution de la chambre basse du Parlement et des élections anticipées en décembre. En l'absence d'opposition, la victoire de son Parti Libéral-Démocrate (PLD) semble assurée et lui permettrait de se remettre en piste, estiment les analystes politiques.
D'aucuns, dont le gardien des deniers publics, craignent cependant que ce bouleversement de l'agenda ne repousse l'assainissement des finances et les cruciales réformes structurelles.
De nombreuses voix se sont élevées ces derniers mois pour déplorer la lenteur que M. Abe mettait à décocher cette troisième flèche de son programme après les largesses budgétaires et l'assouplissement monétaire.
De même, la Banque du Japon (BoJ) a-t-elle laissé passer plusieurs mois jusqu'à octobre avant d'intensifier son soutien à l'économie.
Elle va sans doute devoir "aller plus loin encore pour atteindre son objectif d'inflation de 2%", avertit Marcel Thieliant de Capital Economics.
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