Le revirement de Nicolas Sarkozy sur la loi Taubira sur le mariage homosexuel, dont il souhaite désormais "l'abrogation", est dénoncé par la gauche, qui l'accuse de céder à la frange la plus radicale de l'UMP, mais aussi à droite, où l'on parle de "mensonge".
Invité samedi à un débat par Sens commun, une association née au sein de l'UMP dans le sillage de la Manif pour tous, l'ancien président a employé pour la première fois le terme d'"abrogation", après avoir été chahuté par l'assistance pour avoir dans un premier temps défendu une "réécriture" de la loi.
En déplacement en Australie, François Hollande a refusé dimanche de "commenter" ce revirement, cantonnant son rival à sa "campagne interne" à l'UMP pour se situer, lui, dans "l'apaisement" et le "consensus".
Mais en France, ce glissement lexical a suscité de vives critiques. Le PS a accusé l'ancien chef de l'Etat de "flatter les instincts les plus réactionnaires de sa base militante" à 15 jours de l'élection pour la présidence de l'UMP et de proposer "une nouvelle forme de ségrégation" avec un mariage distinct pour homosexuels et hétérosexuels.
C'est un "coming out homophobe", a dénoncé Pierre Laurent (PCF), jugeant que M. Sarkozy avait "cédé" à des militants d'"ultra droite".
Côté gouvernement, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a raillé Nicolas Sarkozy, estimant que "lorsqu'on a des convictions, on fait en sorte que la foule s'y rallie, on n'épouse pas les convictions de la foule".
Une allusion au fait que, pendant son quinquennat, Nicolas Sarkozy se targuait fréquemment de n'avoir jamais "cédé une fois à la pression de la rue en cinq ans".
"La loi Taubira devra être réécrite de fond en comble", a-t-il d'abord lancé samedi devant les militants de Sens Commun. Interrompu par les huées de la foule qui scandait "Abrogation ! Abrogation !", il a alors lâché: "si vous préférez qu'on dise abroger la loi Taubira pour en faire une autre En français, ça veut dire la même chose () Mais enfin, si ça vous fait plaisir, franchement, ça coûte pas très cher".
- "C'est mentir aux Français" -
Dans un parti divisé sur cette question, il se range ainsi aux côtés de Xavier Bertrand, de Laurent Wauquiez ou d'Hervé Mariton, lui aussi candidat à la présidence du parti, pour qui ce revirement est tout sauf improvisé.
"C'est une man?uvre électorale pour me siphonner des voix", a déclaré à l'AFP cet opposant résolu au mariage homosexuel, qui note le maintien du "mot +mariage+ pour les homosexuels" dans le discours de Nicolas Sarkozy.
L'ex-président se distingue d'une partie des ténors UMP, qu'il s'agisse du favori des sondages pour 2017, Alain Juppé, converti lui au mariage et à l'adoption pour les couples homosexuels, ou du troisième candidat à la présidence de l'UMP, Bruno Le Maire, qui a maintenu samedi son opposition à l'abrogation et a averti les militants de Sens Commun: "méfiez-vous de toutes ces belles promesses que l'on vous fait, d'abrogation de la loi, et qui ne seront pas tenues une fois que nous serons au pouvoir".
Parler d'abrogation, "c'est mentir aux Français", a renchéri Franck Riester, l'un des deux seuls députés UMP à avoir voté la loi Taubira.
"Un ancien président de la République qui, devant 2.000 personnes scandant +abrogation+, change de pied et va dans leur sens, ça ne fait pas très chef", accuse un proche de M. Le Maire.
Le député UMP Frédéric Lefebvre, ancien très proche de Nicolas Sarkozy, s'est lui aussi nettement démarqué: déjà "avec le PACS, nous avons collectivement à droite raté le coche de la modernité". "Soyons sérieux et sincères. Cessons d'entretenir des débats d'un autre temps () Il ne doit pas y avoir un discours pour les uns et un discours pour les autres", a-t-il lancé.
Pour l'avocate Caroline Mecary, spécialiste des droits des homosexuels, une abrogation "ne tient pas juridiquement" car "on ne revient pas en arrière" sur une "liberté fondamentale."
"Il n'y a jamais eu de retour en arrière sur toutes les grandes réformes de société", comme le droit de vote des femmes, le droit à l'avortement ou l'abrogation de la peine de mort, a ajouté la juriste.
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