Au moment où la transition démocratique en Birmanie butte sur de réels obstacles, Barack Obama a appelé vendredi à Rangoun, au côté de l'opposante Aung San Suu Kyi, à des élections "libres et équitables".
L'opposante birmane a pointé la Constitution comme le principal obstacle à des législatives équitables dans un an. Selon la prix Nobel de la paix, la Constitution est "injuste et antidémocratique".
L'un des articles du texte, hérité de l'époque de la junte, l'empêche en effet de prétendre à la fonction suprême, car elle a épousé un étranger. Son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), a pourtant de bonnes chances de l'emporter.
Pour le président américain, qui s'est tout de même montré plutôt positif tout en soulignant les réels défis que la Birmanie devait encore relever, la démocratisation en Birmanie n'était "ni achevée, ni irréversible".
Comme il y a deux ans, les deux prix Nobel de la paix avaient choisi pour leur rencontre le domicile de l'icône de la démocratie, lieu emblématique où elle a passé des années assignée à résidence avant l'auto-dissolution, en 2011, de la junte militaire au pouvoir pendant un demi-siècle.
Cette fois-ci, cependant peu de traces de l'"Obamamania" dans les rues de Rangoun, comme cela avait été le cas lors de la dernière visite du président américain en novembre 2012.
Entre les deux rencontres, les nuages se sont accumulés sur la transition. Et quelques jours avant la venue du président Obama, Aung San Suu Kyi avait même estimé que le processus de transition avait "calé".
Violences contre la minorité musulmane des Rohingyas, lourdes incertitudes sur les règles qui encadreront les législatives, réelles menaces sur la liberté de la presse: les sujets d'inquiétude sont nombreux.
Suu Kyi, 69 ans, doit réussir le difficile passage d'un rôle d'icône pacifiste adulée à travers le monde à celui d'une femme politique en première ligne face aux soubresauts d'une démocratie naissante. Et le scrutin de fin 2015 est crucial.
- "Personnage unique" -
Preuve de la place à part qu'elle occupe dans son pays et au-delà, M. Obama aura consacré lors de cette visite infiniment plus de temps - et d'exposition médiatique - à cette députée de l'opposition qu'au président du pays, l'ex-général Thein Sein.
"Oui, c'est unique", reconnaît Ben Rhodes, proche conseiller du président américain. "Mais c'est un personnage unique", ajoute-t-il. "Elle est une voix extraordinairement importante en Birmanie, mais c'est aussi une icône pour la démocratie à travers le monde".
Sur un terrain moins consensuel, Obama s'est dit "attentif" à la façon dont les minorités sont traitées, sans toutefois prononcé le nom des Rohingyas, considérés par l'ONU comme l'une des minorités les plus persécutées de la planète, mais un dossier sur lequel Aung San Suu Kyi se montre extrêmement discrète.
Pour Ernest Bower du Center for Strategic and International Studies à Washington, la Maison Blanche est à la recherche d'un subtil équilibre. "Il n'est pas concevable que les réformes démocratiques s'arrêtent en chemin", souligne-t-il. "Mais il y a aussi la reconnaissance du fait qu'il faut être pragmatique sur la quantité de changements que le pays peut absorber en un temps donné".
Dans une tribune intitulée "La Birmanie a besoin de temps" et publiée dans le New York Times, U Soe Thane, conseiller du président Thein Sein, appelle la communauté internationale à faire preuve de patience et à saisir "les nuances" de ce qui se passe dans son pays.
"Nous vivons dans l'ombre de notre passé. Nous souffrons de capacités institutionnelles extrêmement limitées et plus encore de mentalités et d'états d'esprit forgés par l'isolement et l'autoritarisme. Ces choses-là ne peuvent changer du jour au lendemain".
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