Après une relative accalmie sur le plan politique, l'affaire Fillon/Jouyet entre vendredi dans une phase judiciaire: l'ex-Premier ministre demande la copie intégrale de l'enregistrement de la conversation controversée entre les journalistes du Monde et le secrétaire général de l'Elysée.
A l'audience de référé, à 18H00, siègera le président du tribunal de grande instance de Paris Jean-Michel Hayat.
L'avocat de M. Fillon, Jean-Pierre Versini-Campinchi, prévoit, une fois la décision concernant l'enregistrement rendue dans cette procédure d'urgence, de poursuivre en diffamation M. Jouyet, mais aussi les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme, le directeur de la publication du Monde et l'éditeur de leur livre "Sarko s'est tuer".
Dans cet enregistrement, dont l'AFP a pu écouter un extrait, le secrétaire général de la présidence raconte bien aux journalistes du Monde que François Fillon lui a demandé d'accélérer les procédures judiciaires contre Nicolas Sarkozy, visant notamment ses comptes de campagne de 2012. M. Jouyet y dit que M. Fillon, lors d'un déjeuner le 24 juin, lui a demandé que l?Élysée "tape vite" contre l'ancien président pour éviter son retour.
Après un premier démenti, Jean-Pierre Jouyet a changé de version dimanche, affirmant que l'ex-Premier ministre a bel et bien évoqué devant lui l'affaire Bygmalion, ainsi que "la question de la régularité du paiement des pénalités payées par l'UMP pour le dépassement des dépenses autorisées dans le cadre de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy".
François Fillon a accusé Jean-Pierre Jouyet de "mensonge", dénonçant une "tentative de déstabilisation et de complot".
- Secret des sources -
Le troisième homme présent aux fameux déjeuner, Antoine Gosset-Grainville, a quant à lui défendu la version de François Fillon, dont il a été directeur de cabinet adjoint à Matignon.
François Fillon demande que l'original de l'enregistrement soit remis à un tiers indépendant, tel un expert informatique, afin qu'une copie lui soit remise. Son avocat s'appuie sur l'article 145 du Code de procédure civile, qui dispose que "s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé".
Selon la défense des journalistes, cette demande ne peut prospérer.
"En aucun cas la justice, les magistrats, n'ont la possibilité de rechercher eux-mêmes la preuve de faits dénoncés comme diffamatoires", selon Me François Saint-Pierre. "Nous ne remettrons pas l'enregistrement dans ce cadre-là, c'est tout à fait impossible" au vu de la loi sur la presse, a-t-il insisté.
Invoquant le secret des sources, il souligne qu'"aucune personne privée ne peut s'arroger le droit d'obtenir d'un juge civil en référé la remise d'un dossier qui le regarde".
Les journalistes ont affirmé qu'ils réservaient leur enregistrement à la justice. Ils peuvent le produire dans le cadre de leur offre de preuve dans un procès en diffamation.
Pour Me Saint-Pierre, la démarche de M. Fillon est "incongrue", pour son confrère Christophe Bigot, elle relève plus d'une "stratégie médiatique" que d'une "stratégie judiciaire". Ce à quoi répond l'avocat de l'ancien chef de gouvernement: "L'agitation politique, ce n'est pas lui qui l'a créée".
Les informations de Gérard Davet et Fabrice Lhomme ont suscité une intense polémique, plusieurs ténors de la droite réclamant la démission de Jean-Pierre Jouyet que le gouvernement a toutefois exclu.
"On n'est pas sur le droit de la presse", "on demande la communication d'une pièce", "c'est le droit normal de la victime", estime Me Versini-Campinchi. Le secret des sources a été détruit "par les journalistes eux-mêmes", juge-t-il. Pour l'avocat, François Fillon est "clairement accusé d'avoir fait pression sur le pouvoir politique" pour que celui-ci "fasse pression sur le pouvoir judiciaire".
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