Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, déstabilisé par les révélations sur un vaste système d'évasion fiscale lorsqu'il était Premier ministre du Luxembourg, a contre-attaqué mercredi en démentant tout "conflit d'intérêt" et en promettant un sursaut dans la lutte contre ce phénomène.
M. Juncker a été cueilli par les révélations de la presse jeudi dernier, moins d'une semaine après son entrée en fonction. Depuis, il n'était pas apparu en public et était accusé de vouloir se dérober. Mercredi, il a fait deux apparitions surprise, d'abord devant la presse puis face au Parlement européen.
Les "déclarations anticipatives" (tax rulings), qui permettent à une entreprise de demander comment sa situation sera traitée par l'administration fiscale, pour payer le moins d'impôts possible, sont "une pratique bien établie dans 22 pays membres de l'UE", a-t-il affirmé.
Il a assuré que tout ce qui avait été fait au Luxembourg était conforme aux règles nationales et internationales. Mais il a admis que cela allait à l'encontre de la "justice fiscale" et des "normes éthiques et morales".
"Je ne suis pas l'architecte" du système de taxation du Luxembourg, "mais je suis politiquement responsable", a concédé celui qui fut de 1995 à 2013 Premier ministre d'un pays considéré comme un des principaux paradis fiscaux dans le monde. "Il n'y a rien dans mon passé qui démontrerait que mon ambition était d'organiser l'évasion fiscale", a-t-il dit.
"Ne me décrivez pas comme le meilleur ami du grand capital, le grand capital a de meilleurs amis que moi dans cette maison", a-t-il lancé devant les eurodéputés.
M. Juncker a aussi assuré n'avoir "jamais donné d'instructions sur aucun dossier particulier", précisant que l'administration fiscale agissait de manière indépendante au Grand Duché.
Le président de la Commission a récusé avec force tout "conflit d'intérêt". Alors qu'une enquête sur les pratiques fiscales du Luxembourg est en cours, il a affirmé qu'il n'interviendrait pas et que la commissaire européenne en charge, Margrethe Vestager (Concurrence), était "libre de ses actions".
- "Urgence à agir" -
M. Juncker a reçu le soutien de son parti, les conservateurs du Parti populaire européen (PPE) et des socialistes, avec lesquels ils forment une grande coalition, qui lui ont demandé un "calendrier précis" d'action.
"J'avais dit que la Commission lutterait contre l'évasion et la fraude fiscales. Ce ne sont pas des propos en l'air", a promis M. Juncker. "J'ai un devoir d'action pour faire avancer l'harmonisation fiscale en Europe".
Alors que les pays européens continuent de se livrer à une concurrence fiscale effrénée pour attirer les entreprises, à coup de "tax rulings" mais aussi de taux d'imposition sur les sociétés, il les a appelés à se mettre d'accord sur la mise en place de "bases d'assiette commune".
Un projet de directive (loi européenne) en ce sens est bloqué depuis 2011, toute décision en matière de fiscalité nécessitant l'unanimité.
Jean-Claude Juncker a aussi annoncé une prochaine directive sur l'échange automatique d'informations en matière de tax ruling. Il a chargé M. Moscovici de préparer un texte sur ce sujet, et indiqué qu'il défendrait cette idée au sommet du G20 à la fin de la semaine.
"Il y a urgence à agir", car "l'impression qui se dégage est que l'injustice fiscale est insuffisamment combattue en Europe", a-t-il reconnu, quelques mois après des élections qui ont vu une nette poussée des eurosceptiques.
Jeudi dernier, 40 médias internationaux avaient publié une enquête révélant qu'entre 2002 et 2010 le Luxembourg avait passé des accords fiscaux avec 340 multinationales, dont Apple, Amazon, Ikea, Pepsi, Heinz, Verizon ou AIG, afin de minimiser leurs impôts, privant les Etats européens de milliards d'euros de recettes fiscales.
La polémique a enflé: dans un éditorial, l'agence d'informations Bloomberg a appelé dimanche à la démission de M. Juncker, en estimant que les révélations sur le LuxLeaks constituaient un "nouveau test pour la crédibilité de l'UE".
Au Parlement européen, la gauche radicale, qui dispose de 52 sièges, tente de récolter les 76 signatures nécessaires pour déposer une motion de censure. Mettant aussi en cause les Pays-Bas pour "racolage" fiscal, les Verts ont réclamé à la Commission un plan d'action contre le dumping fiscal dans l'UE.
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