Devant des dizaines de victimes souffrant d'atroces séquelles venues obtenir justice pour leurs "douleurs de tous les jours", le procès en appel des surirradiations de l'hôpital d'Epinal, plus grave accident de radiothérapie jamais recensé en France avec près de 450 victimes, s'est ouvert mercredi à Paris.
"C'est une douleur de tous les jours, des saignements, des selles sur soi-même", explique ainsi les larmes aux yeux Jean-Robert Villomé, 64 ans, en arrivant pour la première audience. Il doit témoigner le 19 novembre. "J'espère que je pourrai," dit-il, la voix étranglée par l'émotion.
Joshua Anah, 57 ans, radiophysicien, et deux médecins radiothérapeutes, Jean-François Sztermer, 66 ans, et Michel Aubertel, 64 ans, ont pris place au premier rang sous les ors de la prestigieuse Première chambre de la cour d'appel. Des dizaines de victimes, soutenues par des proches, sont installées dans le public.
Les trois prévenus avaient été condamnés à 18 mois de prison ferme en première instance en janvier 2013 pour homicides et blessures involontaires, avec cinq ans d'interdiction professionnelle pour M. Anah, et une interdiction à vie pour les deux médecins.
L'audience débute par la longue litanie de l'appel des parties civiles, régulièrement ponctué de "nous avons des informations selon lesquelles cette personne est décédée".
Entre 2001 et 2006, ce sont près de 450 patients traités pour des cancers de la prostate qui avaient été victimes de surdoses de radiations lors de deux dysfonctionnements distincts à l'hôpital d'Epinal. Au moins douze en sont morts et les autres souffrent de graves séquelles du système urinaire et anal.
"J'ai parlé de bagarre et elle continue. Notre colère reste là et nous irons jusqu'au bout", explique avant l'audience Philippe Stabler, président de l'association des victimes. Il assure "ne rien attendre" des prévenus qui "ne s'excuseront pas".
A Epinal, où le procès est retransmis dans son intégralité dans une salle du tribunal, une quinzaine de victimes ou leurs familles assistent au premier jour des débats.
L'une d'elles, Jean-Marie Lebedel, juge "beaucoup plus pratique" de ne pas avoir à aller à Paris. "J'ai des diarrhées à répétition, des fuites urinaires, je porte des couches", explique-t-il.
Pour Gérard Welzer, avocat de nombreuses parties civiles, "cette première catastrophe mondiale de surirradiation ne doit pas rester sans réponse". Et de marteler que "ce sont des fautes pénales, pas des erreurs," qui ont conduit les prévenus au tribunal.
- 'Conséquences humiliantes' -
De son côté, Hervé Témime, avocat du docteur Sztermer, décrit en son client "un médecin compétent et humain". Relevant "faire face à une émotion dont il faut savoir s'extraire", il invoque la nécessité de faire la "difficile distinction entre responsabilité professionnelle et pénale".
Le président de la cour a lu son "rapport" présentant l'affaire, avec un premier groupe de 24 patients soumis à des radiations trop fortes de 20% en raison d'erreurs de manipulation dues à une mauvaise formation lors d'un changement de protocole de soins. Par ailleurs, plus de 400 patients ont reçu des radiations de 10% supérieures au maximum à cause de la non prise en compte des doses reçues lors de procédures de contrôle (dites "matching"). Les victimes les plus gravement atteintes faisaient partie des deux groupes.
Le président Gérard Lorho, après un long hommage aux victimes d'événements "aux conséquences douloureuses et humiliantes" , les a averti de l'aspect "particulièrement difficile à appréhender d'un point de vue juridique" de l'homicide involontaire dans le cas particulier "du milieu médical, contrairement aux accidents de la route par exemple".
Quatre autres prévenus, poursuivis pour non-assistance à personne en danger, avaient été relaxés en première instance: l'ex-directrice de la Ddass des Vosges, l'ancien directeur de l'agence régionale d'hospitalisation de Lorraine, la directrice de l'hôpital et l'établissement lui-même comme personne morale.
Ils sont présents en appel, mais pour leur seule responsabilité civile, le parquet n'ayant pas fait appel des relaxes. Il avait par contre formé un "appel incident" à ceux des trois condamnés, ce qui permet éventuellement d'alourdir leurs peines.
Le procès doit durer jusqu'au 12 décembre, trois après-midi (mercredi, jeudi, vendredi) par semaine.
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