Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, dans la tourmente depuis les révélations sur un vaste système d'évasion fiscale lorsqu'il était Premier ministre du Luxembourg, a contre-attaqué mercredi en démentant tout "conflit d'intérêt" et en promettant un sursaut dans la lutte contre ce phénomène.
M. Juncker a été cueilli par les révélations de la presse jeudi dernier, moins d'une semaine après son entrée en fonction. Depuis, il n'était pas apparu en public, ce qui nourrissait soupçons et accusations.
Mercredi, alors qu'un point de presse était prévu avec deux vice-présidents de sa Commission, il a créé la surprise en faisant irruption dans la salle de conférence de presse.
Les "tax rulings", qui permettent à une entreprise de demander à l'avance comment sa situation sera traitée par l'administration fiscale d'un pays, sont "une pratique bien établie dans 22 pays membres de l'UE", a-t-il affirmé. "Tout ce qui a pu être fait correspond aux règles législatives nationales" du Luxembourg "et aux règles internationales en la matière", a assuré l'ancien dirigeant du Grand-Duché, tout en reconnaissant que la "faible" taxation des entreprises ne "correspond pas" au "concept de justice fiscale" et "aux normes éthiques et morales généralement admises".
Mais "il n'y a pas de conflit d'intérêt lorsque la Commission lance des enquêtes" qui concernent le Luxembourg, a-t-il plaidé. Des enquêtes sur les pratiques fiscales de ce pays, mais aussi de l'Irlande et des Pays-Bas, sont en cours. La commissaire en charge, Margrethe Vestager, (Concurrence), a assuré mardi qu'elle n'avait "pas les mains liées".
Alors que le Luxembourg est considéré comme un des principaux paradis fiscaux dans le monde, M. Juncker a assuré qu'il n'y avait "rien" dans son "passé" qui démontrerait que son "ambition était d'organiser l'évasion fiscale".
- 'Politiquement responsable' -
"Je ne suis pas l'architecte" du système de taxation du Luxembourg, "mais je suis politiquement responsable", a concédé celui qui fut Premier ministre de 1995 à 2013.
Jeudi dernier, 40 médias internationaux ont publié une enquête révélant qu'entre 2002 et 2010 le Luxembourg avait passé des accords fiscaux avec 340 multinationales, dont Apple, Amazon, Ikea, Pepsi, Heinz, Verizon ou AIG, afin de minimiser leurs impôts, privant les Etats européens de milliards d'euros de recettes fiscales.
La polémique s'est développée pendant le week-end. Dans un éditorial, l'agence d'informations Bloomberg a appelé dimanche à la démission de M. Juncker, en estimant que les révélations sur le LuxLeaks constituaient un "nouveau test pour la crédibilité de l'UE".
Au Parlement européen, la gauche radicale, qui dispose de 52 sièges, tente de récolter les 76 signatures nécessaires pour déposer une motion de censure. Les Verts ont demandé au président de la Commission de soumettre un plan d'action pour lutter contre le dumping fiscal dans l'UE, un sujet d'autant plus sensible en temps de crise et d'austérité. Même demande de la part des socialistes, qui exigent que M. Juncker vienne s'expliquer devant les eurodéputés.
Un débat sur l'évasion fiscale était organisé en urgence mercredi après-midi en plénière.
Mais après avoir présenté sa défense, Jean-Claude Juncker est passé à l'offensive. "J'avais dit que la Commission lutterait contre l'évasion et la fraude fiscales. Ce ne sont pas des propos en l'air, cela reflète l'intention de la Commission", a-t-il dit.
Alors que les pays européens continuent de se livrer à une concurrence fiscale effrénée pour attirer les entreprises, à coup de "tax rulings" mais aussi de taux d'imposition sur les sociétés, il les a appelés à se mettre d'accord sur la mise en place de bases d'assiette commune. Toute décision en matière de fiscalité nécessite l'unanimité.
M. Juncker a aussi annoncé une prochaine directive (loi européenne) sur l'échange automatique d'informations en matière de tax ruling. Il a chargé M. Moscovici de préparer un texte sur ce sujet.
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