Les scientifiques italiens condamnés il y a deux ans à six ans de prison en première instance pour avoir sous-estimé les risques d'un séisme qui a fait plus de 300 morts en 2009 à L'Aquila ont été acquittés lundi en appel.
La Cour d'appel a complètement renversé le premier verdict, estimant que les faits reprochés aux accusés ne constituaient pas un délit.
Cette décision a été accueillie par des huées du public, dont de nombreux proches de victimes, qui a crié aux magistrats "honte à vous, honte à vous".
"J'aurais pu imaginer une forte réduction des peines, mais pas un acquittement aussi complet", a déclaré le procureur général Romolo Como, qui avait requis une confirmation des condamnation prononcées en première instance et s'est dit "très déconcerté".
"Cette décision nous surprend et représente un séisme dans le séisme", a réagi Me Attilio Cecchini, un des avocats des parties civiles, assurant qu'il saisirait la cour de Cassation.
Les sept membres de la commission "Grands risques", six experts des tremblements de terre et le sous-directeur de la Protection civile Bernardo De Bernardinis, s'étaient réunis à L'Aquila six jours avant le tremblement de terre meurtrier du 6 avril 2009.
Ce séisme avait ravagé cette ville du centre de l'Italie centrale et fait plus de 300 morts ainsi que des dizaines de milliers de sans-abri, traumatisant le pays et causant des milliards d'euros de dégâts.
En première instance, le tribunal avait estimé que les experts avaient donné des informations trop rassurantes à la population, en particulier M. De Bernardinis.
Seule exception d'ailleurs à l'acquittement général, ce dernier a été condamné à deux ans de prison pour la mort de certaines victimes, tout en étant acquitté pour celle d'autres victimes. Sans expliquer les motifs à l'origine de cette décision, la cour a de toute manière annoncé que la condamnation était suspendue.
- Procès à la science -
Le verdict en première instance avait provoqué un tollé dans la communauté scientifique italienne et internationale, qui a dénoncé "un procès à la science".
"Ce n'est pas juste la sismologie qui a été jugée, mais toute la science", avait estimé à l'époque Charlotte Krawczyk, présidente du département de sismologie de l'Union européenne des Géosciences (GSU).
Cette condamnation va "refroidir sérieusement non seulement les sismologues mais toute la communauté scientifique. Les chercheurs vont devenir extrêmement prudents s'ils doivent donner une opinion", avait prévenu Roger Musson, de la revue britannique de géologie (British Geological Survey, BGS).
Dans la foulée de la condamnation, le président de la commission italienne "Grands risques" avait démissionné, estimant qu'il ne pouvait plus travailler avec sérénité.
"Il n'est pas possible de fournir à l'Etat des avis sereins, désintéressés et hautement professionnels avec cette folle pression judiciaire et médiatique", avait expliqué Luciano Maiani, ancien directeur général du CERN de Genève.
Dans ses attendus publiés en janvier 2013, le tribunal de L'Aquila avait tenu à assurer que ce n'était "pas la science" qui avait été jugée.
Les motivations faisaient état de "manquements aux devoirs de prévision et de prévention", d'"affirmations absolument approximatives, génériques et inefficaces", d'assurances rassurantes provenant d'une "mauvaise analyse des risques" qui ont conduit des habitants à rester chez eux, "alors qu'une conduite plus prudente" aurait permis de sauver des vies.
Après l'acquittement en appel, Stefano Gresta, président de l'Institut national de géophysique et vulcanologie (INGV), a exprimé sa "grande satisfaction", estimant que ce verdict restituait "la crédibilité à toute la communauté scientifique italienne".
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.