Le numéro deux de l'Elysée, Jean-Pierre Jouyet, se retrouve fragilisé après ses revirements sur la teneur de ses échanges lors d'un déjeuner avec François Fillon révélés par des journalistes du Monde, d'autant que l'ex-Premier ministre a décidé de contre-attaquer en justice.
Son avocat a annoncé lundi dans un communiqué à l'AFP, qu'il allait demander en référé une copie intégrale de l'enregistrement de la conversation entre Jean-Pierre Jouyet et les deux journalistes du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, en prévision de la plainte en diffamation qu'il compte déposer contre ces derniers et leur journal.
D'autres, à droite, notamment Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée sous Nicolas Sarkozy, demandent également cette publication, certains allant jusqu'à laisser entendre que le chef de l'Etat lui-même aurait pu assister à cet entretien, ce que démentent les deux enquêteurs.
Ces derniers ont fourni à trois médias, dont l'AFP, l'enregistrement partiel de l'entretien qu'ils ont eu le 20 septembre à l'Elysée avec M. Jouyet. Le secrétaire général de l'Elysée y raconte par le menu comment François Fillon lui aurait demandé, lors d'une déjeuner le 24 juin, de "taper vite" contre l'ancien chef de l'Etat en accélérant les procédures judiciaires contre lui, notamment concernant le financement de sa campagne en 2012.
Après avoir démenti ces propos, M. Jouyet a changé de version dimanche, déclarant que l'ex-Premier ministre aurait bel et bien évoqué devant lui l'affaire Bygmalion.
M. Fillon accuse Jean-Pierre Jouyet de "mensonge" et dément formellement avoir exhorté l?Élysée à faire accélérer les procédures visant son rival.
Plusieurs personnalités de l'opposition réclament quant à elles la démission de M. Jouyet, ancien ministre de Nicolas Sarkozy, revenu en grâce auprès de François Hollande, et qui était censé apporter, lors de sa nomination en avril, rigueur et professionnalisme dans le fonctionnement de l'Elysée.
Il doit "quitter immédiatement l'Elysée", a jugé lundi le porte-parole de Nicolas Sarkozy, Gérald Darmanin, tandis que le centriste Jean-Christophe Lagarde "ne voit pas comment (il) peut rester".
A l'Elysée, on considère que M. Jouyet "a apporté les précisions qu'il souhaitait apporter". "Depuis mai 2012, il n'y a eu en aucune manière une quelconque intervention dans des affaires judiciaires. C'est un principe et une pratique. C'est vrai depuis début 2012, c'est vrai aujourd'hui et ce sera vrai demain", assure-t-on dans l'entourage du chef de l'Etat.
- 'Ca va devenir ingérable' -
Le ministre de l'Economie Emmanuel Macron, ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée, juge aussi que Jean-Pierre Jouyet s'est "suffisamment expliqué" et assure que ce "n?est pas quelqu?un qui ment".
Le parti socialiste, resté longtemps silencieux, a pour sa part jugé lundi soir "inadmissible de vouloir mêler l'Elysée à une sordide guerre à l'UMP". "Le Parti socialiste n'est pas dupe de ce qui est en train de se tramer () Nous ne tomberons pas dans ce piège", a affirmé à l'AFP Carlos Da Silva, l'un de ses porte-parole.
Mais mezza voce certains proches du chef de l'Etat envisagent la possibilité d'une démission. "On n'est pas à l'abri d'un départ rapide () Il est très affaibli", affirme l'un d'entre eux.
"Le problème de Jean-Pierre Jouyet depuis le début, c'est qu'il ne maîtrise pas sa parole et François Hollande le sait", estime-t-il aussi. M. Jouyet avait ainsi grillé la politesse à M. Hollande en mai 2012 en annonçant lui-même la nomination de Jean-Marc Ayrault à Matignon.
Jean-Pierre Jouyet "c'est quelqu'un qui a gaffé toute sa vie () Quand vous avez accès à lui en tant que journaliste, c'est en général bingo à chaque fois!" remarquent Gérard Davet et Fabrice Lhomme.
"Ca va devenir ingérable. Tout le monde se déchaîne. On est passé de l'affaire Fillon à l'affaire Jouyet", déplore un haut membre de l'exécutif.
Cette affaire au sommet de l'Etat "risque d'alimenter chez les Français un sentiment de tous pourris" dans la classe politique, estime le politologue Frédéric Dabi (Ifop). Les amitiés politiquement fluctuantes de M. Jouyet peuvent aussi alimenter l'idée "d'une connivence malsaine entre droite et gauche" dont le Front national fait son miel, note-t-il.
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