Antoine Volodine, peintre de la noirceur du monde, était radieux mardi en recevant le prix Médicis, sacre de 30 années d'écriture, une consécration pour cet auteur majeur dont l'oeuvre pourrait toucher un plus large public grâce à cette récompense.
Le roman couronné, "Terminus radieux" (Seuil), est une fresque post-apocalyptique, sauvage et noire, qui prend place dans une Sibérie dévastée par les explosions nucléaires où les hommes, devenus des mutants, ne savent plus s'ils sont morts ou vivants.
L'Australienne Lily Brett, 67 ans, a quant à elle obtenu le Médicis étranger pour "Lola Bensky" (Grande Ourse), un roman très autobiographique sur une fille de rescapés de la Shoah qui a aussi partagé l'ascension des stars du rock des années 1960 et 1970 en Angleterre et aux Etats-Unis.
Peu après la proclamation de son prix, salué par un tonnerre d'applaudissements, Antoine Volodine s'est dit "très heureux".
"Il est très important pour moi. C'est l'aboutissement de 30 ans d'écriture, une sorte de couronnement", a déclaré à l'AFP l'écrivain.
Un peu plus tôt, le sexagénaire volontiers bourru avait répondu avec agacement "vous devriez lire le livre" à un journaliste qui lui demandait de résumer son roman de quelque 600 pages.
-'Grand écrivain'-
"Par le passé, le Médicis a raté maintes fois l'occasion de récompenser Antoine Volodine", a reconnu Anne Garréta, présidente du jury depuis deux ans. "Cela a pris du temps, mais nous couronnons aujourd'hui une oeuvre et un grand écrivain."
Tiré jusqu'à présent à 10.000 exemplaires, "Terminus radieux" va être réimprimé à 40.000 ainsi que les précédentes oeuvres de Volodine en poche, a précisé Le Seuil à l'AFP.
Antoine Volodine, principal pseudonyme du romancier né en 1950, qui signe également Elli Kronauer, Manuela Draeger ou Luitz Bassmann, est l'auteur d'une vingtaine de romans sous le nom de Volodine, dont "Des anges mineurs", prix du Livre Inter en 2000.
"Nous récompensons un livre extrêmement abouti du point de vue de la langue et de l'invention, une histoire sombre et post-apocalyptique qui tient en haleine sur 600 pages, marque d'un très grand écrivain", a ajouté la présidente du jury.
La ministre de la Culture Fleur Pellerin s'est réjouit de "cette distinction qui permet à l'?uvre de ce grand romancier d'aller à la rencontre d'un large public".
Dans les territoires irradiés, après la "Deuxième Union soviétique", de rares survivants de l'utopie socialiste sont les héros déchus de "Terminus radieux", récit halluciné au style puissant. Dans ce monde retourné à la sauvagerie où rodent des loups affamés, les sentiments, brûlés au feu nucléaire, n'ont plus cours et c'est la violence qui domine.
- Génies du rock -
La lauréate du Médicis étranger Lily Bret voit consacrer son premier roman traduit en français.
"L'écriture de ce livre m'a pris beaucoup de temps parce que cela a été difficile d'affronter cette période de ma vie", a-t-elle déclaré.
"Je suis à la fois abasourdie, enthousiaste et fière de recevoir le Médicis. Mon premier souvenir de Paris remonte à 1948, lorsqu'avec mes parents, tous deux survivants de la Shoah, nous avons été emmenés à l?hôtel Lutetia, avant de partir pour l?Australie. Nous démarrions ici une nouvelle vie. Paris restera pour moi à jamais le symbole de la liberté retrouvée", a dit avec émotion la sexagénaire au visage lumineux.
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